Découvrir l’histoire de notre civilisation, cela n’a pas de prix. Quoi que… Le Vesuvius Challenge, un concours dont le but est de pouvoir déchiffrer de très anciens parchemins d’Herculanum contre une grosse somme d’argentargent, vient d’annoncer une nouvelle qui pourrait totalement changer notre regard sur l’histoire. Des scientifiques sont parvenus à générer la toute première image de l’intérieur d’un papyrus extrêmement fragile, datant de l’Antiquité. Il s’agit d’un rouleau conservé à la bibliothèque Bodléienne de l’université d’Oxford, en Angleterre. D’après l’organisation, il contiendrait “plus de texte récupérable que tout ce que nous avons jamais vu dans un rouleau d’Herculanum scanné”.
Pas le temps de lire ? Découvrez cette actu au format audio dans notre podcast Vitamine Tech, animé par Adèle Ndjaki. © Futura
Pour comprendre un peu mieux les enjeux de cette actualité, faisons un bond dans le temps, en l’an 79 après J.-C., justement à Herculanum, une cité voisine de Pompéi. À ce moment-là, le Vésuve entre en éruption et dévaste tout sur son passage. Le volcanvolcan fait plus de 15 000 morts et ensevelit toutes les habitations sous des couches de cendres et de pierres brûlantes sur un rayon de 500 km. Sauf qu’au XVIIIᵉ siècle, des chercheurs mettent la main sur un véritable trésor historique. Ils découvrent à Herculanum les vestiges d’une bibliothèque dans laquelle se trouvent des centaines et des centaines de papyruspapyrus. D’ailleurs, cette bibliothèque se trouvait dans la présumée villa du beau-père de Jules César.
Un parchemin qui pourrait réécrire l’histoire
En tout, 800 rouleaux en sont exhumés. Seul problème : les parchemins sont tellement fragiles, car carbonisés et ensevelis depuis des millénaires, qu’il est impossible de les ouvrir sans les réduire en miettes. Si vous faites quelques recherches, vous verrez que ces rouleaux ressemblent à de petits troncs d’arbrearbre tous noirs. Le tout est assez compact, et bien sûr dans ces circonstances, il est impossible d’y lire quoi que ce soit. Pourtant, d’après les historienshistoriens, cette découverte pourrait avoir une importance capitale. Certains de ces textes pourraient “complètement réécrire l’histoire de périodes clés du monde antique”. C’est là qu’entre en jeu le Vesuvius Challenge. Créé par Brent Seales, professeur d’informatique à l’Université du Kentucky, et Nat Friedman, ancien directeur général de GitHub, une plateforme numérique.
papyrus herculanum E Brun
Le concours joue parfaitement son rôle. Des étudiants du monde entier font avancer de manière considérable les recherches. Si, dans un premier temps, une personne parvient à déchiffrer le mot “pourpre” en grec, d’autres jeunes informaticiens décryptent des passages entiers grâce à l’imagerie par rayons X et à l’intelligence artificielle. Comment ça marche ? Ces deux technologies ont permis aux vainqueurs du concours de détecter l’encre, de la dissocier du papyrus, de déceler la forme des caractères grecs inscrits sur le parchemin et de dérouler virtuellement le rouleau en 3D. Ainsi, leur méthode leur a permis de décoder une dizaine de colonnes, soit l’équivalent de 5 % du parchemin.
L’intelligence artificielle déjà utilisée en archéologie
En 2015, le département des sciences de l’informatique de l’Université du Kentucky a développé un logiciel d’imagerie numérique qui a fourni les premières images lisibles d’un parchemin hébraïque du VIᵉ siècle, lui aussi très endommagé. Alors, est-ce la première fois que l’IA aide à reconstituer un bien historique ou archéologique en 3D ? Non, là aussi, il y a quelque temps, des chercheurs japonais ont réussi à recréer des dimensions complètement perdues d’un temple indonésien, juste à partir d’un cliché pris il y a plus d’une décennie, grâce à l’intelligence artificielle. En 2021, des projets européens comme Repaire se servaient même de l’intelligence artificielle pour restaurer des artefacts anciens.
La Vierge à la rose. © Une IA détecte un signal inhabituel caché dans ce tableau de la Vierge à la rose, célèbre chef-d’œuvre du peintre Raphaël. © Raphaël, Musée national du Prado, Madrid (Espagne)
En réalité, l’intelligence artificielle a commencé à s’inviter dans l’archéologie à partir des années 2000, lorsque des logiciels ont émergé pour gérer de grandes quantités de données. D’abord, l’IA a été utilisée pour analyser des sites archéologiques, repérer des motifs dans les objets trouvés et créer des modèles de structures anciennes. Puis, avec l’évolution des technologies comme l’apprentissage automatique et la reconnaissance d’images, l’IA a commencé à automatiser des tâches comme trier les objets ou reconstruire virtuellement des sites. Et attention ! Aujourd’hui, on utilise même des données satellites et des scans 3D pour découvrir de nouveaux sites archéologiques !
Des fragments de payrus calciné ont déjà pu être déchiffré, mais ce n’est pas le cas des rouleaux © Sara Stabile, Francesca Palermo, Inna Bukreeva, Daniela Mele, Vincenzo Formoso, Roberto Bartolino Alessia Cedola, Wikimedia Commons, cc by 4.0
Mais si aujourd’hui on considère cette technique comme la réalité pour déchiffrer les papyrus d’Herculanum, c’est tout simplement parce que tout cela repose sur des avancées technologiques exceptionnelles, surtout en matièrematière de traitement de données ! C’est vraiment un exploit, car il s’agit de découvrir des textes millénaires sans risquer de détruire les objets eux-mêmes, tout en utilisant des technologies modernes pour résoudre un problème très ancien. C’est un mélange fascinant d’archéologie et de technologie avancée. En tout cas, il faut souligner que malgré les aspects positifs de l’intelligence artificielle dans le secteur archéologique, il convient de noter que les avis divergent. En effet, certains chercheurs s’inquiètent et pensent qu’il ne faut pas laisser autant de place à cet outil, au risque qu’il commette des erreurs.
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L’IA, qui est là pour simplifier le traitement de données complexes, pourrait fausser leur interprétation si jamais elle venait à traiter des informations dépassées comme vérité absolue. C’est pourquoi certains professionnels du domaine estiment que les archéologues doivent être critiques envers l’IA, en particulier lorsqu’elle commence à proposer des interprétations et des reconstructions. Une interprétation humaine, voire une collaboration humain/intelligence artificielle, serait nécessaire afin d’éviter les biais et de mieux comprendre le passé.