Cet avion qui ne ressemble à aucun autre consomme 11 fois moins d’énergie : et il est 100 % français

Author:

Dans un contexte de changement climatique croissant, le secteur du transport aérien se transforme progressivement pour minimiser son empreinte environnementale et réduire ses émissionsémissions de CO2. Face à cette urgence, les acteurs de l’industrie s’engagent à adopter des solutions innovantes et durables.

L’utilisation de carburants d’aviation durables (SAF pour Sustainable Aviation FuelFuel) représente une étape cruciale, permettant de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre tout en tirant parti des infrastructures existantes.

En parallèle, les constructeurs aéronautiques investissent dans le développement d’avions plus économes en énergieénergie, intégrant des technologies avancées pour améliorer l’efficacité opérationnelle telles que l’optimisation des routes aériennes pour réduire les distances parcourues et le temps de vol, des techniques avancées de gestion du trafic aérien ou, autre exemple, l’ajustement de la trajectoire en vol des avions pour réduire les traînées de condensation, dont l’impact sur le réchauffement climatiqueréchauffement climatique pourrait rivaliser avec celui du CO₂.

eenuee développe un avion 100 % électrique avec 500 kilomètres d’autonomie, pouvant transporter jusqu’à 19 passagers, tout en consommant 11 fois moins d’énergie qu’un appareil classique. © eenuee 2025

Innovations prometteuses : hydrogène et électrification

À l’horizon, des alternatives novatrices telles que l’hydrogène et l’électrification totale des aéronefsaéronefs promettent de révolutionner le transport aérien, rendant les vols non seulement plus performants, mais aussi en totale harmonie avec les objectifs de durabilitédurabilité. Cette transition vers une aviation décarbonée est essentielle pour répondre aux défis environnementaux actuels et garantir un avenir durable pour les générations futures.

L’appel à une mobilité aérienne décarbonée

Étonnamment, malgré le développement du rail et des services de transport public, la nécessité de solutions de mobilité aérienne décarbonée reste cruciale, surtout face aux défis du désenclavement et aux budgets restreints des collectivités. Un besoin se fait sentir pour un transport léger, propre, accessible, sans nécessiter d’importants investissements dans les infrastructures. L’avion tout électrique se positionne pour répondre à cette problématique.

Le projet Gen-ee d’eenuee

C’est le cas de l’avion Gen-ee 100 % électrique de la startup rhônalpine eenuee. Fondée en 2019, cette startup stéphanoise a pour objectif d’électrifier l’aviation régionale avec une solution certifiable, efficiente et silencieuse. Il y a quelques jours, eenuee a annoncé un partenariat stratégique avec Duqueine Group, un acteur de référence dans les matériaux composites, pour accélérer le développement de son avion régional 100 % électrique, avec un premier vol prévu en 2029.

Ce projet vise à créer un avion de 19 places avec une autonomie de 500 kilomètres en mode tout électrique, capable de desservir des territoires mal desservis par les compagnies aériennes en raison de leur manque de rentabilité. Sa mise en service ne nécessitera pas la constructionconstruction de nouvelles infrastructures lourdes, et il affichera une efficacité énergétique inégalée, favorisant ainsi le désenclavement de territoires comme Auvergne-Rhône-Alpes, région montagneuse où cet enjeu est clé.

Innovations technologiques

Le tout-électrique ne sera pas la seule innovation à bord de cet avion. eenuee et Duqueine Group amorcent une rupture technologique avec le fuselagefuselage porteur. Cette architecture, plus exigeante à concevoir que le fuselage tubulaire classique, offre des performances supérieures.

De plus, l’avion ne sera pas uniquement limité aux pistes traditionnelles. eenuee développe par ailleurs une version capable de se poser et de redécoller de la surface de l’eau, utilisant des hydrofoilshydrofoils, des ailes sous-marines qui créent de la portanceportance. À des vitessesvitesses élevées, ces ailes permettent de réduire considérablement les frottements, facilitant ainsi le décollage, tout comme sur une piste classique. Cette technologie rappelle celle des bateaux de compétition.

Un marché élargi pour une machine multi-surface

Une telle conception ouvre la porteporte à de nombreux marchés, permettant de proposer une machine multi-surface sans démontage, particulièrement adaptée à des régions comme l’Asie, la Scandinavie et le Canada.

Contrairement aux hydravionshydravions à flotteurs, qui évoluent exclusivement sur l’eau et nécessitent un entretien spécifique et coûteux, l’avion de la startup eenuee se distingue par sa polyvalence et ses coûts d’exploitation annoncés réduits.

L’avion électrique d’eenuee pourra aussi atterrir et décoller depuis un lac ou un fleuve. © eenuee 2025

La parole à Hugo Aveddo, ingénieur en Recherche et Développementingénieur en Recherche et Développement et Gaspar Loury, prototypiste en Recherche et Développement Aéronautique.

Futura : Quelles sont les principales différences en matière de conception et de performance entre un fuselage porteur et un fuselage tubulaire classique ? Quels défis avez-vous rencontrés dans ce processus ?

Hugo Aveddo et Gaspar Loury : Dans le cas d’un avion à fuselage porteur, celui-ci a la forme d’une aile (vue de profil). La zone de transition entre le fuselage et les ailes est peu marquée. Par ailleurs, il n’y a généralement pas de gouverne de profondeur, ou d’empennageempennage, comme sur un avion classique, mais des élevons, comme sur certains avions militaires avec des ailes en flèche. Cela constitue une contrainte importante pour le pilotage de l’appareil et complique l’optimisation de la conception. De plus, la forme particulière du fuselage permet de réinventer l’aménagement de la cabine et l’intégration des éléments. Cela implique aussi une structure interne bien différente de ce qui existe pour des fuselages tubulaires, même si les techniques de conception restent globalement les mêmes.

Futura : Pouvez-vous détailler comment l’avion atteint une efficacité énergétique supérieure de 11 fois par rapport aux avions conventionnels ? Quelles technologies spécifiques contribuent à cette performance ?

Hugo Aveddo et Gaspar Loury : Il y a trois volets principaux à considérer : l’efficacité aérodynamique, l’efficacité de la chaîne de propulsion, et la massemasse de l’avion.

Le format d’aile volante, BWB (Blended Wing Body), avec fuselage porteur permet une réduction de la traînée très importante. L’indice d’efficacité aérodynamique de notre avion – sa finesse – atteint une valeur de 25. C’est largement supérieur à celui de la plupart des avions commerciaux, en particulier régionaux.

Par ailleurs, l’utilisation d’une chaîne de propulsion entièrement électrique permet de prétendre à des rendements énergétiques de l’ordre de 90 %. Il n’y a donc presque pas de perte par rapport à un système de propulsion thermique. L’utilisation de matériaux composites, d’aluminiumaluminium haute performance, et le fait que l’avion ne soit pas pressurisé [donc environ 40% de masse en moins, maintenance simplifiée par la même occasion, ndlr] permettent de réduire la masse de l’avion : 5,6 tonnes au décollage (dans notre catégorie, sous la certification CS-23, les avions peuvent peser jusqu’à 8,6 tonnes au décollage).

Futura : Quels types de matériaux comptez-vous utiliser pour le fuselage et autres parties de l’avion ? Comment ces matériaux contribuent-ils à réduire le poids et améliorer les performances ?

Hugo Aveddo et Gaspar Loury : Principalement des matériaux composites à base de fibre de carbonefibre de carbone, comme évoqué ci-dessus. Un kilo de matièrematière en plus sur l’avion se répercute sur ses émissions de CO2eq pendant toute sa duréedurée de vie. L’utilisation des matériaux composites permet de réduire la masse de l’avion et de diminuer son impact sur l’ensemble de son cycle de vie. Par ailleurs, il est bien évident qu’un avion plus léger consomme moins et peu voler plus loin.

Futura : Quelles sont les principales étapes de votre processus de certification pour garantir la sécurité et la conformité de l’avion une fois que sa conception est finalisée ?

Hugo Aveddo et Gaspar Loury : Analyse de risques, simulations et essais en tout genre, collaboration avec les instances de certification européennes pour la cs23. Les essais sont menés sur des démonstrateursdémonstrateurs à échelle réduite : 1:7 aujourd’hui, 1:4 demain.

Ces essais permettent d’identifier dès aujourd’hui des pistes d’amélioration et les points techniques qui nécessiteront une grande attention pour préparer la certification. Cela nous permet d’apporter les meilleurs correctifs tant que nous sommes dans la phase de conception du projet, avant de passer à la phase d’industrialisation.

Futura : Bien que vous disiez qu’aucune nouvelle infrastructure lourde ne sera nécessaire, quelles infrastructures spécifiques devront être mises en place pour assurer le bon fonctionnement et l’entretien de l’avion ?

Hugo Aveddo et Gaspar Loury : Principalement des équipements pour accueillir les passagers dans de bonnes conditions et pour garantir leur sécurité lors des phases d’attente : embarquement et débarquement. Un ou plusieurs centres de maintenance. Pas besoin d’aménagement lourd sur les aérodromes, puisque notre avion est pensé pour être en mesure d’y opérer. Solutions de recharge similaires à ce qui existe dans l’automobileautomobile. Le déploiement de solutions autant pour les particuliers et le parc de véhicules utilitaires/de manutention qui opèrent sur les aérodromes n’est pas que du ressort d’eenuee.

Futura : Quels sont les principaux jalons que vous visez avant le premier vol prévu en 2029 ? Y a-t-il des défis technologiques ou réglementaires spécifiques que vous anticipez ?

Hugo Aveddo et Gaspar Loury : Démonstration de notre technologie d’hydrofoil (en cours), démonstrateur à échelle 1:4 (permettant de traiter les sujets liés à l’industrialisation du projet), puis premier prototype. Lancement de la certification et du DOA en 2027 pour une collaboration de longue durée avec les instances de certification.

Futura : Envisagez-vous de développer d’autres modèles d’avions électriques à l’avenir ? Si oui, quels seraient les nouveaux segments de marché que vous souhaiteriez explorer ?

Hugo Aveddo et Gaspar Loury : On ne se ferme aucune porte concernant des modèles dérivés de l’avion actuel. Le format à fuselage porteur conserve ses avantages de réduction des besoins énergétiques à toutes les échelles. Il peut trouver des applicationsapplications dans des marchés parallèles aux applications civiles (évacuation sanitaire, aide humanitaire, fret, défense…).

Futura : Enfin, qu’est-ce qui fait que ce projet d’avion pourrait voir le jour et voler ? De nombreux projets d’avions électriques/innovants ont été lancés, mais à ce jour très peu voleront…

Hugo Aveddo et Gaspar Loury : Le projet ancré dans la réalité, même s’il est très innovant. Le soutien des territoires et autres acteurs est indispensable au lancement d’un tel projet. Notre philosophie est de dérisquer le projet en continu et avec un coût minimum.

Nous comptons agrandir l’équipe au fil de l’avancement du projet et du besoin en ressources humaines. Nous sommes convaincus que l’équipe doit s’étoffer au fil des opérations de RD et qu’il faut conserver une montée en puissance et en capacité de production progressive.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *