A-t-on frôlé une catastrophe aérienne doublée d’un incident diplomatique majeur ? Ce 31 août, lors de la phase d’approche d’atterrissage à l’aéroport de Plovdiv, en Bulgarie, l’avion transportant Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a été victime d’un brouillage GPS.
Les pilotes ont dû poursuivre leurs manœuvres en utilisant d’autres moyens, dont des « cartes papiers ». L’avion s’est posé sans autres complications sur l’aéroport. Les autorités bulgares pointent le doigt vers la Russie pour cet acte de brouillage.
La Bulgarie dispose d’une façade maritime étendue sur la mer Noiremer Noire, le pays pourrait donc être impacté par un système de brouillage russe probablement embarqué sur un navire. Même si un tel système positionné à Sébastopol, en Crimée, pourrait y parvenir, la distance reste trop considérable pour que le brouillage soit efficace. Or, il apparaît sur la cartographie du site GPSJam que ce 31 août, le brouillage était puissant depuis la façade maritime jusque loin à l’intérieur des terres en Bulgarie.
Quel pourrait être le système de brouillage employé ? Depuis l’invasion de l’Ukraine, la Russie utilise quotidiennement des brouilleurs militaires, comme le R-330Zh Zhitel ou le Krasukha. Ils peuvent perturber les signaux GPS jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres. Ils sont essentiellement positionnés dans l’ouest de la Russie, en Crimée, au Bélarus et surtout à Kaliningrad.
Des brouillages constants depuis 2022
Dans cette exclave russe située à l’ouest de la Lituanie, c’est le dispositif Tobol qui œuvre et brouille pratiquement au quotidien le signal GPS pour l’ensemble des vols commerciaux ou militaires au-dessus des pays Baltes, la mer Baltiquemer Baltique, mais aussi une partie de l’Europe du Nord.
Pour ce qui est du type de brouillage, il faut savoir qu’il en existe deux : le spoofing et la dégradation du signal. Futura avait déjà évoqué la technique du spoofing GPS, il y a près de deux ans. La navigation des avions civils évoluant au Proche et Moyen-Orient était entravée par ce procédé qui trompe les systèmes de navigation en repositionnant les points GPS à un autre endroit.
Mais, dans le cas de l’avion de la présidente de la Commission européenne, les autorités bulgares indiquent qu’il s’agit d’une perte totale du signal. Cela suggère donc qu’il s’agit d’un système de brouillage simple. Rappelons que le GPS est le nom communément adopté pour le GNSSGNSS, mais qu’il s’agit de l’appellation commerciale du système de géolocalisation américain. C’est pourquoi, ce brouillage impacte également les autres systèmes, tels que Glonass (Russe), Galileo (Europe) ou BeiDou (Chine).
Sur le site GPSJam, on peut observer la zone étendue de brouillage sur la Bulgarie ce 31 août. © Futura
Une augmentation de la charge mentale importante
Est-ce que la perte du GPS est suffisante pour rendre la navigation aérienne dangereuse ? Oui et non. Un avion est capable de conserver ses capacités de navigation avec sa centrale inertielle (INS) en cas de défaillance du GPS. Ce système calcule la position en fonction des mouvementsmouvements de l’avion. Le hic, c’est qu’il perd ses points de repères régulièrement et il doit être recalibré régulièrement, grâce au… GPS.
Comme autre instrument de navigation rudimentaire, les pilotes disposent du VOR, l’ancêtre des aides à la navigation. Il s’agit de balises au sol positionnées sur le terrain d’aviation. Elles indiquent aux pilotes une direction et une distance. Le problème, c’est que leur portée est limitée et que ce système rudimentaire est moins précis. Autre souci, ces VOR disparaissent du paysage, car ils sont finalement peu utilisés en raison de la haute précision du GPS.
Reste l’ultime outil de navigation : « l’estime ». Le pilote doit réaliser sa navigation « à l’ancienne », à l’aide de cartes en réalisant des calculs basés sur la vitessevitesse et le cap. Là où cela devient dangereux, c’est que cela implique une grosse charge de travail des pilotes durant la manœuvre d’approche d’un terrain. Les contraintes de cette navigation « manuelle » augmentent donc les risques. L’arrivée d’un ou plusieurs problèmes d’ordre technique pourrait alors altérer la sécurité du vol et le rendre dangereux.
La guerre dans l’espace
Autrement dit, dans ces conditions de vol dégradées, il ne faudrait pas que d’autres soucis viennent s’ajouter, au risque de saturer la charge mentale des pilotes. Au sol, pour le contrôle aérien, le GPS permet d’assurer la séparationséparation précise des avions en vol. Là encore, sans ce système, les risques de collision augmentent. Enfin, de nombreux aéroports utilisent des procédures d’approche basées sur le GPS (RNAV/GNSS). Sans celui-ci, les pilotes doivent donc basculer sur des procédures plus complexes.
Pour résumer, le brouillage GPS augmente donc le risque d’accidentaccident, même si les pilotes peuvent effectivement se passer du système de navigation par satellite et réaliser leur vol en toute sécurité. Mais cet incident met le doigt sur un aspect que les forces armées prennent désormais en considération avec la création de forces spatiales : la guerre moderne se joue désormais dans l’espace et peut atteindre tout le monde.