La sortie de Gemini 3 marque un tournant dans la stratégie de Google en matière d’intelligence artificielle. Le nouveau modèle est bien plus performant que le précédent, et bat tous ses concurrents à en croire les résultats des tests publiés par la firme, ainsi que les tableaux de classement comme LM Arena.
Toutefois, Google ne compte pas uniquement sur les performances de son chatbot pour attirer les utilisateurs. La firme de Mountain View dispose d’un atout de taille par rapport à ses principaux concurrents comme OpenAI, Anthropic ou même Meta : son écosystème. Des milliards de personnes interagissent tous les jours avec les produits de la marque, souvent sans vraiment s’en rendre compte. Ainsi, son navigateur Chrome représente-t-il 73 % du trafic mondial (StatCounter, octobre 2025), son moteur de recherche domine le marché (88,57 % des recherches en France, selon StatCounter) et son système d’exploitation Android est présent sur de nombreux smartphones, tablettes et même téléviseurs. Sans oublier les autres produits et services comme Gmail, Drive ou encore YouTube.
Google est-il en train de créer un monopole de la connaissance grâce à l’IA ? © EB avec Grok
Le moteur de recherche comme cheval de Troie pour l’IA
Bref, Google est désormais partout et n’a pas besoin d’inciter les utilisateurs à accéder à Gemini. En l’intégrant dans tous ses produits, c’est l’IA qui vient à la rencontre du public. Pour preuve, la firme a annoncé 650 millions d’utilisateurs mensuels pour l’application Gemini (Web et mobile), contre 800 millions pour ChatGPT, mais deux milliards pour les AI Overviews.
Si les AI Overviews sont encore mal connus en France, c’est parce que c’est un des derniers pays au monde à en être épargné. Le service est disponible dans plus de 200 pays et 40 langues. Lorsque vous effectuez une recherche avec Google, un petit encadré s’affiche avec une réponse générée par Gemini, résumant les résultats. Et si la réponse ne satisfait pas, le moteur de recherche propose le « Mode IA », qui fournit une expérience de chatbot sans quitter la recherche. Dans cette configuration, il n’est même plus nécessaire de consulter les résultats et de visiter les pages listées.
Exemple de la fonction AI Overviews sur une page de recherche Google. © Futura
Les risques d’un filtre unique : biais, hallucinations et contrôle de la « vérité »
Cela signifie que Gemini est en train de devenir une véritable interface cognitive du Web. De plus en plus d’informations auxquelles nous accédons vont filtrer à travers l’IA. Si les grands modèles de langage (LLM) qui sous-tendent les chatbots étaient fiables, ce serait déjà inquiétant. Mais ce n’est pas le cas.
Les IA génératives comme Gemini ont tendance à halluciner et à inventer des faits. De plus, elles peuvent intégrer des biais qui existent dans les données d’entraînement, et leurs développeurs peuvent aussi les influencer. Nous avons déjà vu à quel point Elon Musk tente de modifier Grok, certes avec un succès mitigé, afin d’imposer ses opinions politiques. Si Google obtient le monopole, la firme pourra contrôler l’information vue par des milliards de personnes et même aller jusqu’à imposer sa propre version de la réalité…
Les concurrents en mauvaise posture face à Google
En mettant tout le poids d’une des plus grosses entreprises au monde derrière son chatbot, Gemini veut clairement devenir incontournable, et a les moyens de le faire. OpenAI a toutefois un allié de taille, du moins pour l’instant. Le Copilot de Microsoft est basé sur ChatGPT, et s’intègre dans Windows et dans le navigateur Edge. Cela permet à OpenAI d’atteindre plus d’utilisateurs qui ne visitent pas son chatbot. Néanmoins, ce partenariat semble temporaire, puisque Microsoft développe ses propres IA. En revanche, OpenAI a aussi lancé son propre navigateur, Atlas, même si son succès semble limité. Il n’est donc pas certain que cela suffise sur le long terme.
Google semble bien parti pour créer un monopole de l’information, voire même un monopole de la vérité, mais les jeux ne sont pas encore faits. Ses milliards d’utilisateurs représentent un énorme avantage, mais ses rivaux peuvent encore tirer leur épingle du jeu. Et les gouvernements aussi ont leur rôle à jouer, en régulant l’usage de l’IA et son intégration dans les produits afin d’empêcher, ou de casser, un tel monopole.