À Kobe, à la mi-octobre, le Japon a mis à l’eau le Sogei de la classe Taigei, un nouveau sous-marin d’attaque hybride diesel-électrique de 3 000 tonnes. Mais il ne s’agit pas d’un submersible comme les autres. C’est le tout premier au monde à utiliser une propulsion électrique alimentée par des batteries lithium-ion, au lieu de batteries au plomb. Avec ces batteries, la densité d’énergie est trois à cinq fois supérieure. Le sous-marin peut donc rester longtemps en plongée, ce qui permet de réduire la dépendance à la propulsion diesel.
Normalement, un sous-marin classique fonctionne avec ce que l’on appelle un AIP : un équipement qui lui permet de rester immergé tout en faisant fonctionner le moteur diesel sans arrivée d’air de l’extérieur pour recharger la batterie. Le gros inconvénient, c’est que ce système limite considérablement la vitesse, la puissance et les capacités du sous-marin. Avec les engins de la classe Taigei, ce système est retiré et l’autonomie repose uniquement sur la capacité des batteries lithium-ion.
De fait, la flexibilité du sous-marin le rapproche un peu de celle des sous-marins nucléaires. Mais la différence, c’est que pour le Japon, les types d’opérations diffèrent totalement de ce que font les Européens. Les missions sont réalisées près des îles, sous surveillance aéronavale chinoise. Il faut donc être furtif en restant longtemps sous l’eau sans démarrer le moteur thermique. Pas besoin non plus de s’y éterniser, mais l’autonomie sous l’eau peut quand même atteindre plus de 12 jours en évoluant à faible vitesse. C’est inédit pour un sous-marin hybride, car ceux-ci sont limités à trois à cinq jours d’immersion avec leurs batteries au plomb.
De même, avec la puissance délivrée par le lithium-ion, l’engin peut atteindre une vitesse de 20 nœuds sous l’eau, ce qui n’est pas possible avec un système classique. Cette vélocité a un inconvénient : une autonomie qui dégringole rapidement.
La mise à flot du nouveau sous-marin Sogei de la classe Taiga a été réalisée à la mi-octobre. Outre ses batteries lithium-ion, ce submersible, capable d’accueillir 70 membres d’équipage, dispose aussi d’espaces de vie réservés au personnel féminin. C’est également inédit. © The Maritime
Bientôt des batteries à l’état solide
Le côté économique est également important, car il y a moins de maintenance, moins de contraintes techniques avec l’absence d’un réacteur nucléaire et les possibilités opérationnelles sont plus importantes. Si seul le Japon utilise cette technologie de batterie Lithium-ion, c’est parce les implanter dans un sous-marin n’est pas une mince affaire. Il a fallu à la marine nippone plus de dix ans de tests pour certifier une architecture lithium-ion à usage militaire sous-marin. Le risque de ces batteries, c’est qu’elles peuvent surchauffer et brûler ou exploser. et c’est ce qu’il y a de pire pour un submersible car il n’y a aucune possibilité d’évacuation, d’aération, ou de largage.
Pour le moment, les autres marines jugent encore le risque inacceptable. Mais le Japon ne compte pas s’arrêter là. Tout comme pour d’autres marines, il mise sur une future génération de sous-marins équipés de batteries à l’état solide (solid-state batteries), c’est-à-dire pour lesquelles l’électrolyte liquide est remplacé par un matériau solide, à l’horizon 2030. La densité énergétique serait encore plus élevée tandis que la production de chaleur serait réduite au point de supprimer certains systèmes de refroidissement.
Autres atouts : une réduction de masse, plus d’espace pour l’électronique et l’armement. Avec de telles batteries, ce type de sous-marin se rapprocherait du potentiel de performances d’un sous-marin nucléaire. Mais pour le moment, tout cela reste au stade de la recherche et de conception.