Et si on pouvait unifier le matériel informatique classique et les processeurs quantiques ? Beaucoup de recherches se concentrent sur la création de qubits, mais ces éléments quantiques n’agissent pas seuls. Ils doivent être entourés de toute une interface classique pour les contrôler et interagir avec le matériel informatique existant.
C’est dans ce contexte qu’une étude publiée dans Nature Nanotechnology décrit la transformation du germanium en matériau supraconducteur, capable de conduire l’électricité sans résistance. Déjà largement employé dans l’industrie des semi-conducteurs, le germanium pourrait servir de pont entre deux mondes : ordinateurs quantiques et capteurs ultrasensibles d’un côté (pour les propriétés supraconductrices) et électronique classique de l’autre.
Une stabilité hors du commun
Les matériaux semi-conducteurs, tels que le germanium et le silicium, ont un comportement électronique qui se situe entre celui des métaux et celui des isolants. Obtenir la supraconductivité dans ces éléments nécessite de manipuler leur structure pour introduire de nombreux électrons conducteurs. Pour transformer le germanium en matériau supraconducteur, les chercheurs l’ont fortement dopé avec du gallium : 17,9 % des atomes de germanium ont été substitués par du gallium.
Normalement, à ces niveaux de dopage élevés, le matériau devient instable mais les scientifiques ont réussi à maintenir l’intégrité du réseau cristallin grâce à une technique appelée épitaxie. Ce processus consiste à construire le matériau cristallin couche par couche. Il « nous permet d’obtenir la précision structurelle nécessaire pour comprendre et contrôler l’apparition de la supraconductivité », a déclaré Julian Steele, physicien à l’Université du Queensland et co-auteur de l’article. Grâce à ce cristal à la structure contrôlée, la supraconductivité apparait à 3,5 kelvins (-269,65 °C), une température très froide, mais habituelle pour les qubits supraconducteurs.
Sur un seul wafer, une plaque très fine de semi-conducteur, il serait possible de créer des millions de jonctions Josephson grâce au germanium supraconducteur. © IBM
Vers l’industrialisation des technologies quantiques
« Ces matériaux pourraient soutenir la création de futurs circuits quantiques, capteurs et électroniques cryogéniques basse consommation, qui nécessitent tous des interfaces propres entre régions supraconductrices et semi-conductrices », a souligné Peter Jacobson, physicien à l’Université du Queensland et co-auteur de l’article.
Ils pourraient par exemple permettre de créer des structures à jonction Josephson, pierre angulaire des qubits supraconducteurs. Ces dispositifs quantiques sont composés de deux supraconducteurs séparés par une fine barrière non supraconductrice : ici du germanium supraconducteur et du germanium classique. L’idée serait de créer des millions de jonctions Josephson sur un seul wafer, ce qui ouvrirait la voie à l’industrialisation des technologies quantiques.