Pionnier du jeu vidéo, Bruno Bonnel a créé l’une des plus grandes éditions françaises du domaine (Infogrames), laquelle a eu un succès mondial : elle en est même venue à absorber Atari au début des années 2000. Par la suite, l’intrépide Lyonnais s’est lancé dans l’universunivers des robots, en quête d’un androïde qui saurait rivaliser avec C3-PO.
Et puis soudain, en 2016, son destin a pris une tangeante : séduit par un jeune candidat à la présidence, Bonnel s’est rallié à son panache blanc et plus concrètement s’est présenté comme député LREM à Lyon. C’était inévitable : il a emporté l’élection.
Tôt ou tard, un retour aux sources s’imposait : en février 2022, notre technoïde de choc a été placé à la tête du projet France 2030 qui vise à placer notre pays en ferfer de lance du domaine. Le Sommet pour l’intelligence artificielle était une occasion rêvée pour interviewer cet esprit visionnaire et audacieux.
Futura : France 2030 en deux mots, ça représente quoi ?
Bruno Bonnel : C’est 54 milliards qui sont dédiés à l’innovation, avec des objectifs à atteindre : une fuséefusée capable de placer des satellites en orbiteorbite basse, un petit réacteur nucléaire, 2 millions de véhicules électriques ou hybrideshybrides en France… Sur l’IAIA même, nous avons déjà consacré 2,5 milliards et nous allons doubler ce budget d’ici la fin 2027.
Bruno Bonnell en compagnie de l’ancien ministre Stanislas Guérini. © D. Ichbiah
Futura : La France a été pionnière dans le deep learning avec Yann LeCun. Pourtant, ce sont d’autres qui ont raflé la mise comme OpenAI. Au niveau des startups à même de combattre, nous n’avons que Mistral. Où est le hic ?
Bruno Bonnel : Il n’y a pas de hic, l’intelligence artificielle en est à ses balbutiements. Nous sommes à l’époque de la montgolfière dans l’aéronautique. Alors, évidemment, on a l’impression que les jeux sont faits, alors que cela ne fait que commencer. L’IA va ouvrir tellement de nouvelles portesportes que ce n’est pas forcément la stratégie américaine qui va remporter la bataille.
DeepSeek, avec 10 fois moins de moyens et de temps, fait quelque chose qui est à 80 % du niveau de ChatGPT. Et il y en aura d’autres. Il faut que se développent des langages les plus ouverts possibles, a priori en open source, afin d’ouvrir davantage de portes à la vraie révolution qui est celle de la convergence de l’IA et de différents domaines d’activité : santé, industrie, culture…
Futura : La France a toujours eu de grands ingénieurs IA, et Meta, comme Google, ont eu plaisir à les embaucher. Y aurait-il une déficience au niveau entreprenarial ?
Bruno Bonnel : Nous avons certes un problème de confiance des investisseurs privés dans notre capacité à relever les défis de l’IA. Nous ne pouvons pas avoir que l’État français et des investisseurs étrangers qui croient dans l’IA française et européenne. Cela a été vrai dans d’autres domaines : le numérique, la robotique.
Le sommet pour l’IA de février 2025 au Grand Palais à Paris. © photo prise par Bruno Bonnell
Futura : Outre Mistral AI, quelles sont les startups françaises prometteuses au niveau de l’IA ?
Bruno Bonnel : Il y a en premier lieu HuggingFace. Mais il y a aussi Probabl. Il y a aussi des gens qui développent des applicationsapplications, comme Artefact. Par ailleurs, les boîtes de l’informatique quantique vont devenir clés pour l’IA, je pense à AliceBob, Pasqal… L’IA, c’est davantage un secteur que du logiciel. Je prends un exemple : pour moi, Doctolib est probablement une des grandes sociétés d’IA de demain – ils supervisent des dizaines de millions de dossiers médicaux. À eux d’inventer des apps appropriées.
Futura : Qu’est-ce que l’annonce d’Emmanuel Macron pourrait changer ? Sommes-nous vraiment de taille face à l’Amérique de Donald Trump ?
Bruno Bonnel : Les annonces d’Emmanuel Macron montrent surtout que l’attractivité de la France en matièrematière d’IA est intacte. Contrairement à tout ce que j’ai entendu, les talents français, nos infrastructures, notre environnement d’énergieénergie décarbonée sont reconnus. Il en est de même pour l’encadrement, la qualité de vie et de travail en France. Nous sommes donc un pays excessivement attractif.