Ce que les scénarios de la Red Team révèlent sur les failles réelles de la France (interview)

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Composée d’auteurs et de scénaristes de science-fiction travaillant étroitement avec des experts scientifiques et militaires, la mission de la Red Team est d’imaginer les menaces pouvant directement mettre en danger la France et ses intérêts. En faisant appel à la puissance de l’imaginaire, elle permet d’anticiper les aspects technologiques, économiques, sociétaux et environnementaux qui pourraient faire naître de nouveaux conflits dans les prochaines décennies.

Quelles leçons peut-on tirer de cet exercice prospectif ? Réponse avec Xavier Mauméjean, membre de la Red Team, écrivain, romancier, essayiste, dont le dernier livre La semaine des quatre jeudis vient de sortir aux éditions Alma.

Futura : Comment fonctionne la Red Team ?

Xavier Mauméjean : La Red Team a pour mission d’anticiper les conflits du futur. Nous étions répartis en deux équipes, la A et la B. L’équipe A proposait des scénarios qui seraient rendus publics, tandis qu’avec le scénariste Xavier Dorison et l’écrivain Doa nous faisions partie de l’équipe B qui travaillait sur des études secret défense. Comme nous n’étions spécialistes de rien, nous pouvions apporter un regard nouveau pour identifier les crises à venir, en mettant en relation des éléments qui nous étaient fournis par l’armée.

Pour consolider nos scénarios, nous avions la possibilité de contacter des spécialistes en géopolitique, en anthropologie, en économie, etc. De la même façon, nous pouvions faire appel à des spécialistes militaires pour la partie tactique.

Futura : Selon vous, quel scénario a le plus de chances de se produire dans un avenir proche ?

Xavier Mauméjean : Certains scénarios ont fait l’objet d’une publication aux éditions Les Équateurs. Tout ce qui est neuro est très crédible, notamment les nouvelles connexions homme-machine avec le soldat augmenté. Il y a du progrès dans ce domaine, et donc forcément aussi du progrès négatif. Un autre danger est lié aux drones, qui ont changé la donne sur le champ de bataille. Et il y a aussi le retour à l’analogique pour éviter le piratage. Ce qui est considéré comme un défaut dans l’armée russe, c’est-à-dire leur manque de modernité, peut s’avérer être une qualité.

Le soldat augmenté est une composante des conflits du futur. © The Flares, YouTube

Futura : Ce travail prospectif a-t-il permis à l’armée d’opérer des ajustements ?

Xavier Mauméjean : Tout à fait. Par exemple, de manière très concrète, le ministère des Armées a identifié une fragilité entre sa station de métro et le bâtiment qu’il occupe. Nous avions imaginé une crise et le scénario fonctionnait, donc il y avait un problème. L’objectif était de détecter des failles sur le site et d’expliquer ce qui se passerait si ces failles étaient exploitées par l’ennemi.

Il y a également eu un changement dans la chaîne logistique. En tout cas, il y a une modification qui a été pointée dans l’acheminement de certains types de matériaux. Il y a aussi des alertes plus sensibles sur le renfermement des citoyens dans les bulles de filtres, et leur conditionnement possible, qui était connu mais qui a été davantage pointé. Nous avons également mis en avant que lors d’une attaque biologique, il y avait un décalage entre les informations de terrain et la vitesse de propagation de la maladie. Ce sont des choses qui vont faire l’objet d’améliorations.

Futura : Certains scénarios, comme « Face à l’Hydre », où une nouvelle technologie d’acquisition instantanée remet en cause la distinction entre expert et non-expert, ne relèvent pas intuitivement du domaine militaire…

Xavier Mauméjean : L’une des conditions du succès de l’opération Red Team était de pouvoir opérer de nouveaux câblages. Par exemple, dans un scénario d’études spécifiques, nous voulions provoquer un piratage en interne dans l’armée. Nous avions l’idée, mais pas le moyen. Nous avons rassemblé autour de nous un anthropologue et un toxicologue pour trouver la solution. C’est cette boîte à outils qui fait la différence.

Futura : Il y a eu plusieurs livraisons de la Red Team. Est-ce que ce travail prospectif va continuer ?

Xavier Mauméjean : Il a déjà continué. C’est l’opération Radar, qui a donné lieu à un livre chez Robert Laffont. Il y a beaucoup plus d’acteurs de la sphère civile qui ont été impliqués, notamment des entrepreneurs. Ce n’est plus exactement la même démarche, mais les premiers travaux ont posé les jalons.

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