Dans Blade Runner, les androïdes biosynthétiques Réplicants prennent conscience de ce qu’ils sont et refusent de mourir au bout de quatre ans. Aujourd’hui, au lieu d’essayer d’imiter le cerveaucerveau humain, avec des puces en semi-conducteurssemi-conducteurs de siliciumsilicium, une bonne dizaine de startups et d’universités utilisent de véritables cellules cérébrales humaines pour créer des ordinateurs.
Alors, tout comme pour ces Réplicants, est-ce que les réseaux de neuronesneurones humains, baptisés organoïdes, pourraient développer quelque chose ressemblant à une conscience ? A priori non, selon les scientifiques qui travaillent sur le sujet. Mais parmi les expérimentations en cours, il y a celle de la start-up suisse FinalSpark, située à Vevey. Et cette interrogation reste sensible pour les chercheurs de FinalSpark. Ils collaborent même avec des éthiciens pour le développement de leur bio-ordinateur.
Les bio-ordinateurs ont-ils une conscience ?
Selon l’équipe de FinalSpark, les organoïdes ne sont pas pourvus de récepteurs dédiés à la douleurdouleur et sont limités à 10 000 neurones, contre 100 milliards pour un cerveau humain. Et pourtant, lorsque les chercheurs du laboratoire ouvrent la porteporte du réfrigérateur contenant 16 organoïdes cérébraux, l’écran de contrôle indique systématiquement une activité neuronale importante.
Les scientifiques restent encore stupéfiés face à ce comportement, car ces cellules cérébrales n’ont aucun moyen de détecter que leur porte a été ouverte. Alors qu’elle expérimente depuis des années ces bio-ordinateurs, l’équipe n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi ces cellules réagissent à l’ouverture de cette porte.
Si le mystère reste entier, depuis leur création, les ordinateurs animés par ces cellules cérébrales ont déjà montré leurs capacités et surtout leur frugalité énergétique. Elles pourraient être l’avenir de l’IAIA, car ces cellules sont un million de fois plus économes en énergieénergie que les neurones artificiels. Elles peuvent également être reproduites à l’infini en laboratoire, contrairement aux puces d’IA de Nvidia. Mais, pour le moment, la puissance de calcul de ce réseau est très très loin de concurrencer le matériel dédié aux IA.
Sur le site de FinalSpark, il est possible de voir l’activité des cellules cérébrales en temps réel. © FinalSpark
Des cellules souches
Pour ce qui est de la nature de ces neurones vivants, pas d’inquiétude, les scientifiques n’exploitent pas de cellules issues d’un véritable cerveau humain pour constituer leur bioprocesseur. Il s’agit de cellules souchescellules souches, provenant de la peau de donneurs anonymes. Elles peuvent se transformer en n’importe quelle cellule du corps et donc en neurones.
Pour constituer un réseau, elles sont agglutinées en amas larges d’un millimètre et ont à peu près la taille du cerveau d’une larvelarve de mouche à fruit selon les scientifiques. Pour faire « calculer » ces cellules et obtenir l’équivalent du zéro et du un informatique, des électrodesélectrodes sont fixées aux organoïdes. De faibles courants électriquescourants électriques permettent à la fois de les stimuler et également d’analyser comment elles communiquent entre elles.
Toujours comme les Réplicants, la duréedurée de vie des organoïdes est limitée. D’abord, pour rester en bonne santé, elles doivent s’alimenter en baignant dans un liquideliquide riche en nutrimentsnutriments. Ensuite, leur espérance de vieespérance de vie est de seulement six mois. En raison de cette espérance de vie courte, il est déjà arrivé que les traitements lancés par les chercheurs s’arrêtent avec la mort des cellules.
Si les scientifiques du domaine et ceux de FinalSpark estiment que d’ici une vingtaine d’années, la bio-informatique pourrait être exploitée pour doper les IA, ils peinent toujours à encoder les données pour que l’organoïde puisse les comprendre. De même, interpréter leur travail reste difficile pour les chercheurs.
Mais, il y a peut être une autre voie à explorer en attendant de voir des bio-supercalculateurs véritablement opérationnels. Cette histoire d’ouverture de porte, qui excite les cellules cérébrales, a suggéré aux chercheurs de se lancer dans une autre étude : l’observation du comportement des cellules pourrait potentiellement permettre de révéler davantage d’informations sur le fonctionnement de notre cerveau et donc sur l’élaboration de notre propre conscience.