Cessez-le-feu ou illusion ? L’Iran prépare-t-il déjà sa riposte nucléaire ?

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Le raid américain en Iran avec deux B-2 SpiritSpirit et le largage des fameuses bombes GBU-57 sur les sites d’enrichissement d’uraniumuranium de Natanz et Fordo a bien eu lieu. Les Américains sont entrés dans la partie pour « apporter la paix par la force » en finissant le travail amorcé par Israël afin d’empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire.

Suite à cette opération, une timide riposte iranienne contre une base américaine au Qatar a eu lieu, ainsi que contre Israël. Puis, avec son assurance habituelle, Donald Trump a déclaré un « cessez-le-feufeu » pour toutes les parties. Mais les deux parties en question ont poursuivi leurs échanges de salves de missilesmissiles. Retour à la case départ, avec une fin de conflit qui reste incertaine. Annihiler le programme nucléaire militaire iranien, c’était le prétexte initial. Futura avait déjà évoqué cette question problématique du niveau d’enrichissement de l’uranium à 60 %. Alors, après cette frappe, est-ce que l’Iran reste capable de poursuivre son programme d’arme nucléaire ? Si le pays n’avait peut-être pas l’intention d’aller vite dans ce développement, les foudresfoudres reçues de la part d’Israël et des États-Unis l’ont sans doute motivé à accélérer le mouvementmouvement.

Côté sites d’enrichissement, comme nous l’expliquions la semaine passée, l’utilisation de GBU-57 à fort pouvoir de pénétration ne garantissait aucunement la destruction des centrifugeuses enfouies profondément. Après les frappes, il reste difficile de savoir si cela a vraiment été le cas, notamment pour Fordo. Leur accès a sans doute été bloqué par l’effondrementeffondrement. Reste que personne n’est capable de dire où sont passés les 400 kilos d’uranium déjà enrichi à 60 %. Sur ce sujet, un conseiller de l’ayatollah Ali Khamenei vient justement d’affirmer que son pays possède toujours ces stocks d’uranium enrichi et que « la partie n’est pas terminée ».

Graphique établissant le niveau de masse critique de l’enrichissement de l’uranium. On peut constater que dès 25 % d’enrichissement, il est possible de faire une arme. Elle sera en revanche de taille trop imposante, donc inutilisable. © IPFM

La partie n’est pas terminée

Pour ce qui est de la suite du programme nucléaire, les revendications sont identiques. À la télévision d’État, Mohammad Eslami, le chef de l’Organisation de l’énergieénergie atomique iranienne, a expliqué que le régime a « pris les mesures nécessaires » pour sa poursuite. Il affirme également que la remise en marche des installations est prête et que la production ne « sera pas perturbée ».

Dès lors, est-ce que malgré ces multiples frappes, l’Iran reste capable d’obtenir la bombe atomique ? L’enrichissement de qualité militaire est censé atteindre 90 %. Mais rien qu’avec les 400 kilos déjà enrichis à 60 %, il est en théorie possible de construire des bombes atomiques assez basiques. Israël évoque même un nombre de 9 ou 10 bombes avec ce niveau d’enrichissement. De quoi faire peur – et cette affirmation est faite pour – mais, dans les faits, ces bombes nécessiteraient l’emport de beaucoup de matièrematière et seraient volumineuses. Elles pèseraient alors plusieurs centaines de kilos pour développer une explosion significative. Autrement dit, il serait pratiquement impossible d’embarquer une telle ogive sur un missile. Son explosion ne serait pas non plus garantie et son impact certainement faible.

Reste que si l’Iran a bel et bien mis à l’abri ces 400 kilos, il pourrait poursuivre discrètement cet enrichissement pour accéder à la barrière fatidique des 90 %. Or, même si les deux sites d’enrichissement visés ont été endommagés par les lourdes frappes américaines, ce n’est certainement pas le cas de la totalité des centrifugeuses. Car, près d’Ispahan, il reste une usine qui n’a pas fait l’objet de frappes massives. C’est justement dans les profonds souterrains à proximité de celle-ci que se trouvait l’uranium enrichi.

En Iran, près d’Ispahan, c’est dans un vaste complexe de tunnels (en jaune) que l’uranium enrichi à 60 % en U-235 aurait été stocké. Il n’aurait pas été frappé contrairement à l’usine de conversion (en rouge). © Monterey Institute of International Studies

Et justement, peu avant les premières frappes israéliennes, le gouvernement devait inaugurer un nouveau site d’enrichissement à cet endroit. Là encore, des centrifugeuses sont peut-être déjà opérationnelles afin de terminer l’enrichissement de niveau militaire. L’Iran a également annoncé la constructionconstruction d’une nouvelle installation d’enrichissement dans un lieu prétendu sûr.

Il pourrait donc y avoir jusqu’à deux sites pratiquement fonctionnels. Avec cette pressionpression maximale, l’Iran pourrait donc tenter d’enrichir l’uranium en urgence. Il faudrait alors autour de deux à cinq mois pour parvenir aux 90 % nécessaires. Mais là encore, enrichir ne suffit pas pour créer une arme. Après cette étape, il faut encore transformer la poudre d’uranium (UF₆) en massemasse métallique stable (métallisation) pour constituer l’explosif. Ensuite, il faut ajouter un système de détonation précis avec des explosifs conventionnels pour initier la fissionfission. L’étape de finalisation consiste à miniaturiser l’arme pour la rendre compatible avec un missile balistique existant. Mais ce n’est pas tout. Reste le test d’un prototype pour vérifier la fission contrôlée, puis intégrer véritablement l’arme dans son vecteur.

Belle tactique, mais échec stratégique ?

Pour ce qui est de l’étape de transformation de l’UF₆, l’installation a justement été frappée à Ispahan, ce qui signifie bien que l’Iran avait avancé sur ce point. Pour le système de détonation, cela fait depuis les années 2000 que l’Iran planche dessus. Pour la miniaturisation, il n’y a aucune preuve que l’Iran ait atteint ce cap, mais ses ingénieurs, ou ce qu’il en reste, ont les capacités théoriques d’y travailler. Pour les vecteurs, en revanche, les missiles balistiques développés par le pays sont tout à fait capables d’emporter ce genre d’ogive.

Bref, ces opérations militaires contre l’Iran ont peut-être ralenti techniquement ses capacités de développement d’une arme, mais n’ont pas annihilé le programme. Les frappes et menaces auront certainement pour effet d’inciter le régime iranien à accélérer le mouvement en ce sens. Au final, si les opérations conjointes américaines et israéliennes sont spectaculaires sur le plan tactique, au niveau stratégique elles pourraient être contreproductives vis-à-vis de l’objectif initial d’une « légitime défense préventive ». Si l’option nucléaire est capable de se maintenir en Iran, que ce soit le régime actuel ou un autre qui s’en rapprocherait doctrinairement, alors c’est déjà un échec.

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