Après 1 500 heures de test, 100 heures de vol en toutes conditions et près de dix ans de développement, SafranSafran vient de décrocher le Graal pour son moteur électrique dédié à l’aviation commerciale. Ce « Graal », c’est celui de sa certification par l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA). L’ENGINeUS 100 devient donc le tout premier moteur 100 % électrique de sa catégorie à pouvoir être exploité de façon opérationnelle sur une cellule d’avion à vocation commerciale. Une première pour Safran et la France, mais aussi pour l’agence européenne qui a dû inventer des normes pour ce genre de motorisation. Il a d’ailleurs fallu quatre ans à Safran et à l’organisme pour aboutir à cette certification. Elle laisse désormais présager du futur standard de l’aviation électrique au niveau mondial.
Certes, il y a eu un précédent avec le petit Pipistrel Velis Electro, 100 % électrique, mais la motorisation de l’avion est restreinte à un usage en vol à vue, pour le loisir et dans la catégorie poids plume. Rien à voir donc avec des puissants moteurs dédiés à l’industrie aéronautique commerciale.
Au niveau technique, l’ENGINeUS 100 intègre l’électronique de puissance et de contrôle directement dans le moteur. C’est inédit et c’est une force, puisque le moteur pourra être implanté assez facilement dans de nombreuses architectures d’avion. Il est de surcroît léger et refroidi par airair. Côté puissance, pour le moment, il peut délivrer jusqu’à 125 kW au maximum, avec un rapport poids/puissance de 5 kW/kgkg. Mais ce n’est qu’un début, car Safran débute avec un petit moteur certifié, avant de développer d’autres versions plus puissantes.
Développé en Charente-Maritime, le prototype Cassio 330 de VoltAero mise sur le moteur électrique ENGINeUS 100 de Safran. Il sera couplé avec la propulsion thermique pour l’hybrider. © VoltAero
Objectif : 1 000 moteurs par an
L’ENGINeUS 100 servira donc de base pour répondre aux besoins d’une large éventail d’avions. Ainsi, il est possible de l’exploiter sur des avions de loisir, pour deux à quatre passagers. Il pourra tout aussi bien être intégré à une motorisation hybridehybride pour l’aviation de transport régional, avec des appareils pouvant embarquer une vingtaine de passagers. Enfin, dans l’avenir, il est pratiquement prêt à équiper les futurs avions de ligne de 150 passagers, qui seront également dotés d’une motorisation hybride électrique.
Safran ne se contente pas de cette certification, ni de ces seules ambitions. Le motoriste se prépare déjà à produire en série son moteur avec l’ouverture de quatre lignes de production à Niort, dans les Deux-Sèvres, et au Royaume-Uni, à Pitsone. La première sera chargée de l’électronique de bord, quand l’usine britannique produira les rotors et stators qui sont les composants essentiels du moteur. L’objectif est de faire sortir de ces usines au moins 1 000 moteurs électriques par an, dans un premier temps. Mais Safran voit plus grand, car selon lui, les usines seront dimensionnées pour pouvoir culminer à 5 000 unités par an. Les lignes de production seront également modulaires pour parvenir à assembler les différents modèles du moteur.
Il faut dire qu’avec son moteur électrique, le motoriste a déjà le ventvent en poupe auprès des avionneurs civils, militaires et les concepteurs de drones. Ils sont déjà nombreux à avoir misé sur cet ENGINeUS désormais certifié. C’est notamment le cas d’Aura Aero, de Bye Aerospace, CAE, Diamond Aircraft, Electra, TCab Tech, et VoltAero. Safran n’est cependant pas le seul sur le secteur, les principaux motoristes américains planchent également sur ce type de motorisation électrique. La différence, c’est qu’ils misent directement sur de gros moteurs, contrairement à la stratégie de montée en puissance sur laquelle mise Safran. Les industriels chinois du secteur développent aussi des motorisations électriques pour l’aviation. Dans tous les cas, il y a une certaine électricité dans l’air dans l’industrie aéronautique.