L’aviation 100 % décarbonée, ce n’est pas pour demain, mais faute de véritable technologie de rupture, les avionneurs planchent pour optimiser l’existant afin de réduire au maximum la consommation des avions. Lors de l’évènement Airbus Summit 2025, qui se tient actuellement à Toulouse, parmi les technologies mises en avant par l’industriel, il y a l’étonnant projet X-Wing, ou plus précisément eXtra Performance Wing, mené par le labo UpNext d’Airbus.
Il s’agit d’un prototype d’aile du futur, ultra-performante. Plus qu’un concept, elle pourrait à terme équiper toute la gamme de l’avionneur. C’est encore une fois le biomimétisme qui a inspiré le labo d’Airbus pour imaginer cette aile. Comme l’aile d’un oiseauoiseau, elle peut adapter sa forme, son envergure et sa surface pour chaque phase de vol.
Et comme pour un oiseau, cette aile est longue… très longue. De quoi transformer un Airbus en planeurplaneur. C’est un classique de l’aéronautique : une longue et fine aile permet d’augmenter considérablement la finesse en réduisant la traînée. Mais il y a un hic ! Si l’idée est séduisante, l’aile est tellement longue que les avions seraient alors incompatibles avec les infrastructures aéroportuaires. Il faut imaginer un avion dont l’envergure serait supérieure à 50 mètres. C’est gigantesque, surtout quand on sait que celle d’un A320 est de près de 36 mètres. Qu’à cela ne tienne, la solution c’est de replier les ailes, comme c’est le cas pour certains aéronefsaéronefs de porteporte-avions. Imaginez alors un Airbus dont les bouts d’ailes sont relevés, comme les WingletsWinglets actuels, une fois au sol pour rester dans les standards acceptables des installations de l’aviation commerciale. Jusque-là, l’idée semble simple et n’a finalement pas grand-chose de révolutionnaire. Mais voilà, cette extrémité d’aile ne s’arrête pas à l’unique rôle de réduire l’envergure au sol. Ces bouts d’ailes bougent aussi en vol et contribuent un peu plus à optimiser les performances de l’avion.
Et justement, ce bout d’aile, Futura a pu le voir à Toulouse, alors qu’il venait juste d’être livré pour équiper le futur démonstrateurdémonstrateur qui en sera équipé. Mais en quoi ce morceau d’aile pourrait révolutionner l’aviation ?
Le projet initial était baptisé AlbatrosOne. Les extrémités des grandes ailes d’un A321 miniature radiocommandé bougeaient librement durant le vol pour réduire la pression alaire et de fait sa trainée. © Airbus
Un avion qui bat des ailes ?
À l’origine, ce concept d’aile a été expérimenté par Airbus sur un modèle réduit d’A321, baptisé AlbatrosOne – un nom qui intègre celui de l’oiseau au long courslong cours. Pour réaliser de longs vols planésvols planés sans effort, l’albatros dispose d’une surcouche de tendons qui lui permet de bloquer son ossature et laisser ses ailes déployées. Elles se déverrouillent au besoin dès qu’il est nécessaire de battre des ailes, ou de changer sa forme selon les phases du vol. En s’inspirant de ce mécanisme naturel, le petit démonstrateur de l’AlbatrosOne a effectué ses premiers « battements d’ailes » dès 2019.
Durant les vols d’essais, les ingénieurs ont pu vérifier que les moments de flexionflexion libre des extrémités des ailes permettaient d’alléger la charge sur l’ensemble de l’aile. En plus d’améliorer les performances, cela présente un second avantage : ces longues ailes n’ont pas besoin d’être constituées de matériaux lourds pour assurer la robustesse de l’ensemble. Cet allègement permet aussi d’économiser de l’énergieénergie et donc du carburant.
Le démonstrateur de cette aile particulière est en cours d’assemblage. Il repose sur une cellule de jet d’affaires Cessna, dont les ailes sont en train d’être remplacées. © Airbus
Un jet d’affaires qui bouge le bout des ailes
Après ce modèle réduit, Airbus passe maintenant à un véritable jet doté de cette technologie. Le projet X-Wing voit donc grand, même s’il s’agit encore d’un appareil miniature, par rapport à un avion de ligne. L’avionneur a donc fait l’acquisition d’un jet d’affaires, un Cessna Citation VII. Ses ailes ont été coupées pour être remplacées par ces fameuses X-Wing. L’extrémité d’aile que nous avons vue mesure autour de deux mètres. Elle est dotée d’une charnière semi-aéroélastique, dont les secrets de conception sont gardés secrets.
Elle fonctionnera selon plusieurs modes. Un mode débrayé, qui laissera le bout d’aile bouger librement sur sa charnière pour assurer la réduction de pressionpression sur l’ensemble. La charnière semi-aéroélastique recevra alors des commandes du calculateur de vol pour se repositionner dynamiquement vers le haut ou le bas avec différentes variations d’angles maximum selon les conditions de vol. Dans l’autre mode, des mécanismes sophistiqués permettent de positionner cette extrémité d’aile à des angles spécifiques, notamment pour le décollage et l’atterrissage.
Mais pour optimiser les performances de vol, les capacités de cette seule extrémité d’aile ne sont pas l’unique atout du projet. Sur l’ensemble de l’aile, on trouve ainsi des bords de fuite modulaires qui modifient sa surface en vol. De même, des petites plaques escamotables perpendiculaires au flux d’airair, autrement dit l’équivalent de spoilers, peuvent aussi être sorties de façon dynamique pour modifier la structure de l’aile.
Cette extrémité d’aile d’environ deux mètres n’a l’air de rien, mais c’est un concentré de technologie. Dotée d’une charnière masquée sur cette photo, elle sera bientôt fixée à l’extrémité du démonstrateur d’Airbus. © Sylvain Biget
Fait comme l’oiseau
Alors, évidemment, pour que tout ce petit monde fonctionne de concert et de manière adaptée à la masse d’airmasse d’air, tout se passe en amont avec des capteurscapteurs de rafales positionnés sur le neznez de l’avion. Ils relèvent les variations de turbulenceturbulence pour envoyer les commandes nécessaires aux différents éléments des ailes. Au final, toute cette architecture complexe doit être totalement automatisée et pouvoir fonctionner en toute sécurité.
Pour le moment, le démonstrateur est en cours de préparation. Avec ces nouvelles ailes, ce Cessna disposera d’une envergure 30 % inférieure à celle d’une aile de 52 mètres. Il sera également dronisé et piloté au sol par les pilotes d’essai. Et c’est également une autre prouesse de l’aveu même du responsable du projet. S’il n’y aura pas de pilote à bord, c’est pour pousser le système au maximum dans ses retranchements. Pour plus de sécurité, les tests en vol seront d’ailleurs effectués au-dessus de l’océan sur une zone militaire. L’aéronef modifié devrait réellement pouvoir « bouger » ses ailes dans le ciel dès l’an prochain.
En attendant, Airbus mise beaucoup sur cette architecture X-Wing pour ses futures gammes. Associée à d’autres technologies, notamment de motorisation ou encore de matériaux pour la cellule, elle permettra d’optimiser les performances et décarboner un peu plus l’aviation commerciale. Cette aile a aussi un atout majeur. Si elle répond aux attentes de l’avionneur, elle pourrait très bien être adaptée à n’importe quelle nouvelle architecture d’avion. Qu’il s’agisse de la traditionnelle cellule en forme de cigare ou bien une aile volante.