Électrosensibilité : vraie souffrance ou faux coupable ?

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Avant de s’interroger sur la sensibilité aux ondes, il est essentiel de comprendre ce que sont réellement ces ondes qui nous entourent en permanence. Les ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques, invisibles à l’œilœil nu, sont des champs qui transportent de l’énergieénergie. Elles peuvent être d’origine naturelle — comme la lumièrelumière du soleilsoleil, la foudrefoudre ou le champ magnétique terrestre — ou bien issues de nos technologies modernes. Elles sont partout : dans nos téléphones portables, le Wi-Fi, les antennes radio, mais aussi dans les appareils électroménagers et même certains équipements médicaux.

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Ces ondes se distinguent notamment par leur fréquence, c’est-à-dire le nombre de vibrationsvibrations qu’elles effectuent chaque seconde, mesuré en HertzHertz (Hz). Par exemple, 1 GHz correspond à un milliard de vibrations par seconde. Certaines ondes ont une fréquence très basse, comme celles des lignes électriques, tandis que d’autres vibrent beaucoup plus vite, notamment celles utilisées pour la téléphonie mobilemobile ou le Wi-Fi. Au quotidien, ces ondes proviennent donc à la fois de nos appareils électroniques personnels et des infrastructures de communication qui nous entourent. Elles sont si omniprésentes qu’il est presque impossible d’y échapper.

L’électrosensibilité, une maladie reconnues ? 

Mais qu’en est-il de leur dangerosité ? La question est légitime et complexe. Les autorités sanitaires, telles que l’Organisation mondiale de la santéOrganisation mondiale de la santé (OMS) ou l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSESANSES), surveillent attentivement ce sujet. Jusqu’à présent, aucune preuve scientifique solide n’a établi que les ondes électromagnétiques, dans les limites d’exposition recommandées, représentent un danger avéré pour la santé. Ces limites sont précisément définies pour protéger la population, que ce soit dans les espaces publics ou privés. Pourtant, certaines personnes rapportent ressentir des symptômessymptômes qu’elles attribuent à l’exposition aux ondes, même à de faibles niveaux. C’est dans ce contexte que s’inscrit le débat autour de l’électrosensibilité.

Un IRM cérébrale © Gorodenkoff, iStock

L’électrosensibilité, aussi appelée EHS (électrohypersensibilité), regroupe un ensemble de troubles que certains patients relient aux ondes électromagnétiques. Les symptômes signalés sont nombreux et variés : maux de tête, fatigue intense, troubles du sommeil, difficultés de concentration, irritations cutanées, nausées, palpitations… Cette symptomatologie diffère largement d’une personne à l’autre. Pour certains, ces manifestations sont légères et supportables, tandis que pour d’autres, elles peuvent devenir un handicap important dans la vie quotidienne. Il est important de préciser que l’électrosensibilité n’est pas reconnue comme une maladie par la communauté scientifique. Si les symptômes sont bien réels pour ceux qui les vivent, ils ne correspondent à aucun diagnostic médical précis. On parle parfois d'”intolérance environnementale idiopathique”, un terme scientifique signifiant un malaise dont la cause exacte demeure inconnue. Face à ces incertitudes, la recherche continue pour mieux comprendre ce phénomène et répondre aux inquiétudes de la population. En attendant, la vigilance et le respect des normes restent les meilleurs moyens de concilier progrès technologique et santé publique.

Un combat quotidien entre souffrance et reconnaissance

Quand on parle d’électrosensibilité, il ne s’agit pas simplement d’un léger inconfort pour ceux qui en souffrent, mais d’une réalité bouleversant profondément leur vie. Ces personnes doivent souvent repenser entièrement leur mode de vie pour limiter leur exposition aux ondes électromagnétiques. Certaines d’entre elles éliminent complètement les objets connectés de leur quotidien : téléphones portables, Wi-Fi, voire même certains appareils électroménagers. Pour aller plus loin, elles peuvent recouvrir les mursmurs de leur maison avec des matériaux isolants, comme des feuilles d’aluminium, dans l’espoir de bloquer les champs électromagnétiqueschamps électromagnétiques. D’autres, en quête de sérénité, choisissent de s’exiler loin des ondes. Elles s’installent dans des zones dites “blanches”, dépourvues de réseau mobile et d’antennes. Un exemple emblématique est la ville de Green Bank, en Virginie-Occidentale (États-Unis), où les ondes sont quasiment interdites en raison de la présence d’un observatoire radioastronomique.

© LimeSky, Adobe Stock (image générée avec IA)

En France, le cas médiatique de Philippe Tribaudeau illustre cette lutte. En février 2024, ce sexagénaire électrosensible a obtenu, pour la première fois, le droit de rester sur un terrain occupé illégalement dans la forêt de Vanson, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Le tribunal a implicitement reconnu la gravitégravité de ses symptômes, justifiant qu’il puisse demeurer à l’écart des ondes. Mais la situation reste fragile. Quelques semaines plus tard, la cour d’appel a annulé ce jugement, estimant que la santé de M. Tribaudeau ne pouvait primer sur le droit de propriété de l’État. Elle s’est appuyée sur un rapport de l’ANSES, qui rappelle l’absence de preuve scientifique solidesolide reliant les ondes aux symptômes évoqués par les personnes électrosensibles. Ce flou juridique et médical se retrouve dans d’autres dossiers similaires, plongeant ces affaires dans un véritable casse-tête.

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L’électrosensibilité n’est toujours pas reconnue officiellement comme une maladie dans la majorité des pays. Conséquence : les personnes concernées doivent batailler pour faire reconnaître leur handicap, obtenir des aides, ou simplement trouver un lieu où elles peuvent vivre sans souffrir. En France, la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) peut, sous certaines conditions, attribuer cette reconnaissance. À l’échelle internationale, les recherches se multiplient. En France, l’ANSES poursuit ses études pour mieux cerner ce phénomène. En Belgique, le Belgian BioElectroMagnetics Group travaille également sur cette question, tandis qu’aux Pays-Bas, un programme national se penche sur les effets des champs électromagnétiques sur la santé. Ce débat, loin d’être clos, s’inscrit dans une dynamique mondiale. Malgré tout, les décisions judiciaires favorables restent exceptionnelles et très individualisées. Pourtant, ces rares victoires montrent que la justice commence à prendre en compte la souffrance réelle que peut engendrer l’exposition aux ondes pour certaines personnes. Un premier pas vers une meilleure compréhension et, peut-être, une reconnaissance officielle à venir.

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