Gros navire, gros symbole : le cuirassé Trump, arme électorale plus que militaire

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Aux États-Unis, avec l’administration Trump, il faut que « ça claque », que les moulures dorées éblouissent, que tout soit plus grand, plus gros, plus puissant.

Alors, après l’avion de chasse le plus fabuleux du monde, que « rien au monde ne peut égaler » et qui porte le numéro 47, c’est-à-dire celui de son mandat actuel, le président veut maintenant sa propre « classe » de navires de guerre : la « classe Trump ».

Là encore, c’est démonstratif, puisque cette classe Trump vise le gigantisme avec le retour des cuirassés. Toujours avec le nom du métal précieux favori qui orne désormais son bureau ovale, le nom du programme de réforme de la flotte américaine porte l’appellation Golden Fleet (flotte dorée). On se souvient également du projet bouclier antimissiles Golden Dome (dôme doré) censé protéger le pays.

Le premier cuirassé de la classe Trump sera l’USS Defiant (BBG 1) et il devrait être livré dès 2030. Il serait suivi de neuf autres navires, avec un objectif total de 24 bateaux. Faire renaître le mythe du cuirassé lourd du XXe siècle n’a pas vraiment de sens aujourd’hui, sinon en termes de symbole de puissance visible et de nostalgie de l’âge d’or industriel américain.

Si les cuirassés étaient les stars de la guerre maritime lors de la Seconde Guerre mondiale avec des noms légendaires, comme le Bismarck, le Tirpitz, ou encore le Yamato, dès son issue, leur règne semblait révolu. La puissance aérienne était supérieure et capable de couler n’importe quel cuirassé. Seuls les porte-avions pouvaient rester hors de portée de l’ennemi et l’ensemble des flottes, hormis l’US Navy, s’en est séparé dès les années 1960.

L’USS Defiant n’a de cuirassé que le nom. Il s’agit surtout d’un croiseur lourd doté d’un gros arsenal. Il deviendra de fait une cible prioritaire. © US Navy

Gros navire = pays fort

Mais, sans doute que dans l’esprit de Trump, « gros navire » signifie « pays fort ». Si cela peut fonctionner auprès de l’électorat, pas certain que cela soit pertinent pour un état-major. Les marins cherchent avant tout la furtivité, la redondance avec des frégates et des sous-marins nucléaires, mais également des capacités de frappe à distance et éventuellement des porte-avions.

C’est justement en raison de leur vulnérabilité, de leur coût démesuré et de l’évolution des doctrines de guerre navale que ces navires massifs ont été retirés de l’US Navy dans les années 1990. Si, pour le moment, cette classe Trump n’existe qu’en vue d’artiste, quelques caractéristiques de son cahier des charges ont été dévoilées.

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Sa masse sera de 35 000 tonnes, ce qui est très raisonnable pour un cuirassé. Toujours dans l’expression des superlatifs, l’administration Trump affirme qu’il s’agira du plus grand cuirassé jamais construit, ce qui n’est vrai qu’en termes de longueur puisqu’il dépassera les 271 mètres.

Pour le reste, peut-être que la catégorie « cuirassé » n’est pas réellement adaptée au navire puisque sur le papier, malgré ses dimensions, il n’a pas spécialement les attributs de ce type de bateau. Il pèse moins lourd, car son blindage est moins conséquent au profit de la rapidité. Comme atout, il disposerait d’une autonomie multipliée par 80 grâce à une propulsion nucléaire ou des turbines à gaz.

Un concentré de puissance de feu

Côté équipage, il est limité à seulement 850 marins. Ce qui est peu pour un cuirassé. C’est au niveau de l’armement que le navire se distingue. La classe Trump sera dotée de plusieurs tubes de missiles à lancement vertical.

L’arsenal serait composé de missiles hypersoniques CPS, qui ne sont pas encore opérationnels, de 12 missiles de croisière SLCM-N à capacité nucléaire, de 128 missiles VLS (lancement vertical), de canons laser de forte puissance pour assurer la défense du navire et même de canons électromagnétiques pour les frappes offensives et la défense rapprochée. On trouverait également deux canons Mark 45 de 127 mm et, éventuellement, des systèmes d’artillerie expérimentaux de plus gros calibre (155 mm).

Face à un conflit, vous nous poserez deux questions : où est le porte-avions et où est le cuirassé ?

Pour la défense, cette classe Trump embarquera aussi plusieurs équipements de pointe (lanceurs RAM et des systèmes d’armes télécommandés). Un peu comme un porte-avions, la mission principale de cette classe Trump sera d’assurer la projection de puissance et la capacité de frappe, soit au sein d’un groupe aéronaval, soit à la tête de leur propre groupe.

Le souci, c’est que ce navire géant concentrant beaucoup de missiles devient de fait une cible prioritaire. C’est une sorte de croiseur lourd surarmé et conceptuellement fragile. Il est loin d’être furtif et discret, et malgré sa rapidité annoncée, il reste très vulnérable. S’il sort des chantiers navals, il devrait rester très au large d’une zone de guerre pour assurer sa propre sécurité.

Toutefois, est-ce que c’est important, puisque tout est dans l’intention politique ? Dans le communiqué de presse du secrétariat à la Marine, John C. Phelan, son secrétaire, a tenu à démontrer la menace qu’il pourrait exercer avec cette petite phrase : « Face à un conflit, vous nous poserez deux questions : où est le porte-avions et où est le cuirassé ? ». Mais, plus qu’une puissante arme, ce que l’on peut retenir, c’est que ce cuirassé n’a de cuirassé que le nom : c’est plutôt un arsenal flottant habillé de nostalgie.

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