La France frappe fort avec Asgard, le supercalculateur militaire le plus puissant d’Europe

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Pour la première fois, l’armée française inaugure son propre supercalculateur dédié à l’IA militaire. Surnommé Asgard, du nom d’un domaine situé au centre du monde dans la mythologie nordique, c’est ce que l’on appelle un supercalculateur militaire stratégique classifié. Il a été installé dans l’enceinte très symbolique de la forteresse du Mont-Valérien (92) et inauguré jeudi dernier par le ministre des Armées, Sébastien Lecornu.

Et le ministère des Armées s’est montré ambitieux pour ce projet à 600 millions d’euros au total : Asgard est le supercalculateur le plus puissant d’Europe et le troisième au monde. Il est le seul à embarquer 1 024 puces de dernière génération conçues par NVidia, sans doute des Blackwell B200, spécialement conçues pour l’entraînement des IA.

Chaque puce dispose d’environ 180 à 192 Go de mémoire HBM3e et d’une bande passante mémoire pouvant atteindre 8 To/s, ce qui permet d’accélérer les calculs.

Si le CPU est moins doué pour le calcul pur, il est très efficace pour les réseaux de neuronesneurones et le traitement des modèles massifs. Côté énergétique, le B200 n’est pas spécialement sobre. Il consomme jusqu’à 1,5 kW par carte. En contrepartie, les performances d’entraînement des IA sont multipliées par trois.

Un supercalculateur isolé du monde

La puissance réelle de ce cumul de 1 024 puces reste du domaine du secret défense, mais l’ensemble semble se rapprocher du seuil de l’exaflop, c’est-à-dire d’un milliard de milliards d’opérations par seconde. Pour obtenir cette puissance de calcul, il faudrait placer en théorie environ 22 000 ordinateurs grand public très récents et équipés des meilleurs processeurs IA de cette année. Et encore… Cette comparaison, purement théorique sur une capacité de calcul, ne tient pas. Elle ne prendrait pas en compte les limitations de bande passante des PC, que ne connaissent pas les supercalculateurs.

Ce qui le différencie également des supercalculateurs civils, c’est qu’il est physiquement isolé des réseaux extérieurs et totalement déconnecté d’InternetInternet. Il ne sert qu’à des usages militaires et sa gestion est assurée exclusivement par du personnel français habilité « secret défense ».

Inauguration du supercalculateur de l’Amiad dédié aux applications militaires. © Ministère des Armées

C’est HPHP, en partenariat avec Orange, qui a été choisi aux dépens du Français Atos pour construire ce supercalculateur à vocation militaire. Le choix d’une société américaine pourrait être jugée comme une sacrée entorseentorse à la souveraineté nationale, mais dans tous les cas, même avec une société française, la puissance de calcul aurait reposée sur des puces américaines.

Un projet de robots dotés d’une IA collective

Mais à quoi va servir précisément cette déferlante de puissance ? Asgard va entraîner et spécialiser des modèles d’IA à partir de données confidentielles. Il fonctionne sous la tutelle de l’Agence ministérielle pour l’intelligence artificielleintelligence artificielle de défense (Amiad) et, parmi ses projets, figure la création d’une unité robotiquerobotique de combat dotée d’IA collective pour l’armée française, que les militaires appellent « le projet Pendragon ». Il servira également à réaliser des simulations stratégiques, à analyser des images satellitaires, à la guerre sous-marine, notamment en acoustique, et à optimiser les systèmes d’armes.

Aussi fort que les plus forts… ou presque

Avec sa puissance de calcul, Asgard peut rivaliser avec ses équivalents militaires américains et chinois les plus avancés.

Les États-Unis dominent toujours le secteur avec des supercalculateurs comme le El Capitan (Lawrence Livermore National Laboratory), qui atteint 1,742 exaflop avec ses processeurs AMD EPYC et GPUGPU MI300A. Ils servent à la fois aux applicationsapplications militaires (simulation d’armes nucléaires, cyberdéfense, IA de défense) et scientifiques.

La Chine exploite le réseau Sunway, avec les supercalculateurs Sunway Oceanlite ou Tianhe-3. Ils dépassent potentiellement l’exaflop. Ils sont utilisés pour la modélisationmodélisation avancée de systèmes d’armes, la cryptanalysecryptanalyse et l’IA militaire.

De son côté, la Russie est aussi équipée de supercalculateurs militaires, mais à une échelle inférieure. Ils sont essentiellement destinés à la simulation balistique, la guerre électronique et la conception d’armes avancées. En raison des sanctions internationales à son encontre, la Russie ne peut toutefois pas exploiter les puissants GPU de dernière génération de conception américaine. En conséquence, ses capacités commencent à décliner sur ce point, face à ses compétiteurs.

En Europe, il existe d’autres grands supercalculateurs, mais ils restent contenus dans le domaine civil. C’est le cas de JupiterJupiter en Allemagne. La France, avec le CEA, est aussi équipée du supercalculateur Jules VernesJules Vernes. Eux aussi peuvent atteindre l’exaflop, mais il n’y a rien de comparable sur le plan purement militaire.

Alors, on peut se dire que si Asgard est très bien positionné en cette fin d’année 2025, avec des puces 2,2 fois plus puissantes que celles de l’année 2024, ses composants vont rapidement devenir obsolètes. C’est inéluctable.

À terme, il devrait être remplacé et ses équipements reconvertis ou partagés entre plusieurs centres afin d’exploiter au maximum le potentiel des GPU de NVidia.

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