PARIS (Reuters) – Alcatel-Lucent est mieux armé pour faire face à une année 2013 qui s’annonce à nouveau difficile après l’obtention d’un prêt de 1,6 milliard d’euros et le lancement d’un vaste plan de réductions de coûts, estime son directeur général.
Lors d’un entretien à Reuters, Ben Verwaayen a défendu l’accord de financement tout juste conclu avec les banques Goldman Sachs et Crédit suisse en soulignant qu’il levait une partie des incertitudes sur le groupe.
Alcatel-Lucent a été contraint de gager certains actifs, dont son portefeuille de 29.000 brevets, pour décrocher ce crédit, suscitant des inquiétudes au sein du gouvernement français et des syndicats.
“Il y a des moments où votre bilan est considéré comme le reflet de l’avenir de la société : aura-t-elle les moyens de rembourser sa dette ?”, a expliqué Ben Verwaayen.
“Si cela devient un sujet de conversation, alors il faut agir tout de suite. Il fallait quelque chose de pratique, de faisable et de rapide. C’est ce que nous avons fait”.
Le prêt bancaire offre une bouffée d’oxygène à l’équipementier, gros consommateur de trésorerie, qui doit faire face à 2,2 milliards d’euros d’échéances de dettes d’ici 2015.
Il lui permettra en particulier de gagner du temps pour appliquer son nouveau plan d’économies prévoyant 1,25 milliard de réductions de coûts d’ici fin 2013 via plus de 5.000 suppressions d’emplois.
Le montage particulier retenu pour l’opération – gagée sur des actifs du groupe – suscite toutefois des inquiétudes au sein de l’exécutif français.
“Il faut être vigilant à ce que cette solution n’hypothèque pas trop l’avenir”, explique une source proche du ministère de l’Economie et des Finances. “La crainte c’est qu’il y ait une perte de contrôle industriel des actifs de cette entreprise et qu’on ait une gestion purement financière de ces actifs”.
Les syndicats français de l’équipementier ont pour leur part déclenché un droit d’alerte auprès de la direction et demandé la tenue d’un comité d’entreprise extraordinaire ce jeudi.
“L’opération de refinancement nous inquiète au plus haut point : des activités sont mises sous tutelle de Goldman Sachs et risquent de disparaître si Alcatel ne rembourse pas à temps son prêt”, s’alarment la CFDT, la CFE-CGC et la CGT dans un communiqué commun publié mardi.
“NOUS N’AVONS PAS L’INTENTION DE DÉPOSER LE BILAN”
Ben Verwaayen a relativisé ces inquiétudes, en soulignant que le groupe restait propriétaire en totalité des actifs gagés.
“Il faudrait d’abord qu’il y ait un dépôt de bilan pour que quelque chose arrive et nous n’avons pas l’intention de déposer le bilan”, a-t-il souligné.
Selon la source proche de Bercy, le gouvernement réfléchit à d’autres options pour améliorer la trésorerie d’Alcatel à court terme, ce qui pourrait permettre de réduire le montant du prêt ou le champ des actifs gagés.
Interrogé à ce sujet, Ben Verwaayen a répondu : “Nous avons apporté une certitude et une clarté totales. Si le gouvernement, une banque, ou n’importe qui d’autre pense avoir une meilleure idée, il sera le bienvenu”.
Le fait qu’Alcatel ait été contraint de gager certains actifs pour décrocher le financement met en lumière la période difficile traversée par l’équipementier qui sortira de l’indice vedette des valeurs vedettes parisiennes lundi prochain.
“2012 a été une vraie tempête pour nous”, a reconnu Ben Verwaayen, qui avait promis de faire d’Alcatel-Lucent une entreprise “normale” à son arrivée à la tête du groupe franco-américain en 2008.
Prié de dire s’il comptait toujours atteindre cet objectif, il a répondu : “Je ne serais pas ici si je ne pensais pas que nous pouvons y arriver”.
Il a dit s’attendre à une nouvelle année difficile, 2013 s’annonçant dans la lignée de 2012, marquée par un trou d’air sur les marchés européens provoqués par la baisse des investissements des opérateurs télécoms.
La situation ne devrait pas s’améliorer l’an prochain sur le Vieux continent, a estimé Ben Verwaayen, qui n’a pas fermé la porte à des réductions de coûts complémentaires.
“Nous pourrions être encore plus agressifs mais il faut faire attention à ne pas casser le groupe”, a-t-il précisé, en rappelant que le plan d’économies actuel prévoyait déjà une réduction de plus de 20% des coûts fixes.
Après avoir touché un plus bas record à 0,71 euro à mi-octobre, l’action d’Alcatel a rebondi de 40%, dopé par la perspective de l’accord de financement. A 15h41, elle bondit de 7,25%, au-dessus de la barre d’un euro à 1,037 euro.
Les fonds spéculatifs, nombreux à avoir parié contre le titre ces derniers mois, ont commencé à réduire leurs positions à découvert depuis la mi-novembre face au rebond de l’action.
Avec Blaise Robinson, édité par Jean-Michel Bélot