Le téléphone, miroir des émotions : l’ère de la surveillance « amoureuse » ?

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Votre téléphone connaît-il mieux vos émotions que vous ? Parfois, il en sait même plus que votre partenaire. Cette réalité n’a rien d’étonnant, tant le temps passé sur ces petits écrans ne cesse d’augmenter. En moyenne, on y consacre plus de cinq heures par jour en Afrique du Sud, au Brésil ou aux Philippines, environ trois heures aux États-Unis, en Australie ou en Espagne, et près de deux heures trente en France et en Allemagne. Ces smartphones sont devenus de véritables extensions de notre quotidien.

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Mais cette omniprésence numérique a un revers : elle pèse lourdement sur les relations amoureuses. Psychologues et sociologues le soulignent : le téléphone est désormais une source fréquente de tensions dans le couple. Moins de communication, une méfiance grandissante, et parfois même des disputes liées à son usage. Selon un sondage Ipsos réalisé en 2019, 61 % des jeunes estiment que leur téléphone envahit trop leur vie de couple, et un quart d’entre eux considère cette présence comme une cause régulière de conflits, voire un motif de rupture.

Le téléphone en couple © peopleimages.com, Adobe Stock

Pourquoi un tel phénomène ? Parce que selon les spécialistes, le téléphone concentre une part importante de notre intimité. Il peut réveiller des insécurités, comme la peur d’être trompé ou le besoin de tout contrôler. Cette inquiétude pousse parfois certains à franchir une ligne : fouiller dans le téléphone de leur partenaire. Il y a dix ans, cela nécessitait une certaine habileté. Aujourd’hui, quelques clics suffisent pour accéder à l’intimité de l’autre, souvent à son insu, grâce à des applicationsapplications tierces. La méthode la plus simple reste de connaître ou deviner le code de déverrouillage, qui ouvre l’accès aux messages, appels, historiques et réseaux sociauxréseaux sociaux.

Des techniques d’espionnage bien ficelées

Mais certains vont plus loin. Les applications d’espionnage, appelées stalkerwares, s’installent discrètement, souvent sous des noms anodins. Elles permettent de géolocaliser en temps réel, de lire les messages, d’écouter les appels, voire d’activer micro et caméra — le tout sans que la personne surveillée ne s’en doute. Certains créent des clonesclones de comptes WhatsAppWhatsApp ou FacebookFacebook, d’autres accèdent aux données synchronisées via iCloud ou GoogleGoogle grâce à des identifiants obtenus, et la surveillance sur les réseaux sociaux — qui like quoi, qui est en ligne à quelle heure — devient courante. Une étude Ifop de 2023 révèle à quel point ces pratiques se banalisent, notamment chez les jeunes générations. Le téléphone est devenu une porteporte d’entrée vers l’intimité de l’autre… une porte qui s’ouvre de plus en plus souvent sans permission.

Une atteinte lourdes conséquences juridiques

Fouiller dans le téléphone de son ou sa partenaire, même sous couvert « d’amour » ou d’anxiété, n’est pas anodin. Ce n’est pas conséquence : c’est avant tout une atteinte à la vie privée, qui peut être sanctionnée par la loi. En France, l’article 226-1 du Code pénal interdit strictement la captation ou la transmission d’informations personnelles sans consentement. Par ailleurs, l’article 323-1 punit l’accès frauduleux à un système informatique — ce qui inclut les smartphones — avec des peines pouvant aller jusqu’à trois ans de prison et 100 000 euros d’amende. À l’international, les législations sont tout aussi sévères. En Allemagne, la loi sur la protection des données interdit toute forme d’espionnage sans autorisation explicite. Au Royaume-Uni, c’est le Computer Misuse Act qui encadre strictement ces pratiques. Aux États-Unis, des textes comme le Wiretap Act ou le Stored Communications Act protègent les communications électroniques contre les accès non autorisés.

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Dans la pratique, seules les forces de l’ordre peuvent fouiller un téléphone, et cela uniquement avec le consentement de la personne concernée ou sur décision judiciaire. Les parents peuvent accéder au téléphone de leur enfant mineur, mais toujours dans le respect de sa vie privée. En revanche, employeurs, enseignants ou autres n’ont aucun droit pour ce faire. Ainsi, fouiller le téléphone de son conjoint sans accord, même motivé par l’inquiétude ou la jalousie, c’est surtout fouiller sans droit — une intrusion illégale qui engage la responsabilité pénale.

 

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