L’applicationapplication de suivi sportif Strava refait à nouveau parler d’elle. Selon une enquête du quotidien Le Monde, les données publiées par ses utilisateurs permettent d’anticiper les dates de patrouille des sous-marins nucléaires français. Et pas n’importe lesquels : il s’agit des quatre SNLE (sous-marinsous-marin lanceurlanceur d’engins), autrement dit les sous-marins portant la puissance de feufeu de la dissuasion nucléaire française. Ces submersibles sont basés à l’île Longue, dans la rade de Brest.
Au moins l’un de ces quatre gros sous-marins, capables de transporter 16 missilesmissiles nucléaires M-51, est en patrouille en permanence, on ne sait où sous l’eau pour assurer la permanence de la dissuasion nucléaire. Ces sous-marins peuvent délivrer à tout moment le feu nucléaire ultime français sur les cibles qui leur ont été attribuées. Autant dire que la sûreté de leurs déplacements est considérée comme cruciale pour la France. Pour éviter les intrusions et les fuites, de nombreuses mesures sont prises pour assurer la plus haute sécurité sur la base de l’île Longue.
Strava, la bête noire des militaires
Que ce soit via des patrouilles terrestres ou de drones, des scanners, des systèmes de reconnaissance faciale pour les 2 000 employés, ou bien la nécessité de laisser les téléphones portables dès le sas d’entrée, tout est mis en œuvre pour garantir la sécurité. Pourtant, ce sont les montres connectées des marins qui ont révélé, à leur insu, les dates de leur départ et retour de missions à bord de ces SNLE. Ces montres utilisées pour des pratiques sportives, enregistrent des données, notamment la géolocalisation des trajets lors de courses à pied ou à vélo.
L’une des applications les plus populaires pour traiter ces données, les mettre en relief et les partager, reste Strava. L’application a été épinglée à maintes reprises pour avoir permis d’identifier les contours des bases militaires américaines en Afghanistan, ou encore la localisation des membres assurant la protection du président de la République. L’application a même permis aux Ukrainiens d’éliminer un officier supérieur russe lors de ses routines sportives. Pour ce qui est de la base en baie de Brest, en tout, 450 utilisateurs de Strava ont été identifiés ces dix dernières années.
Capture d’écran d’un des sous-marins, expliquant sans doute innocemment, mais de façon imagée qu’il vient de passer deux mois en mer. © Le Monde
La peur n’arrête pas le danger
Malheureusement, tous ces marins n’utilisent pas de pseudo et il est possible grâce aux données sportives divulguées de savoir qu’ils font partie des sous-mariniers embarqués. Ainsi, les tracés des footings qui se situent sur les quais au nord de la base sont clairement ceux des sous-mariniers proches d’un départ en mission, étant donné l’accès difficile à cette zone. Ces derniers ont attiré l’attention des journalistes. Ils ont pu constater que ces marins arrêtaient subitement d’utiliser Strava durant plusieurs semaines, pour reprendre une pratique régulière par la suite. Une indication claire de la duréedurée de leur mission et surtout du départ et du retour des missions. En tout, quatre patrouilles récentes de SNLE ont pu être identifiées.
Pour les militaires interrogés sur cette affaire, ces révélations sont à prendre au sérieux, mais elles ne constitueraient pas de risques majeurs ni pour la rade de Brest ni pour les SNLE. Il faut dire qu’un départ de sous-marin nucléaire n’est pas spécialement discret et les puissances étrangères sont, sans aucun doute, au courant des dates de départ quand ils ont lieu. Mais les risques qui en découlent existent et sont connus. L’imminence d’un départ pourrait permettre à une puissance étrangère de préparer un piège applicable dès la sortie de rade afin de compromettre la furtivitéfurtivité du sous-marin. Des manœuvres qui restent cependant improbables étant donné les capteurscapteurs des sous-marins, les systèmes de détection acoustique et l’escorte des sous-marins nucléaires d’attaque (SNASNA).
Risque de pression directe sur les marins
D’ailleurs, en ce qui concerne l’anticipation du départ d’un SNLE, il n’y a pas forcément besoin de « s’informer » via Strava. D’autres sources permettent de se douter d’un départ imminent, comme, par exemple, l’arrivée d’importants convois de logistique.
En fait, le principal risque serait plutôt qu’en raison de leurs routines sportives, les sous-mariniers puissent être contactés directement et soumis à des pressionspressions, d’une façon ou d’une autre, par les agents d’une puissance étrangère. Il y a donc peu de chances que cela vienne compromettre la sûreté de la dissuasion nucléaire. Ce qui est plus inquiétant, c’est que ces militaires puissent révéler les secrets de ces sous-marins et notamment celui le plus gardé : le design de leurs hélices qui est garant de leur furtivité.