par Claire Davenport
BRUXELLES (Reuters) – Une affaire emblématique sur le respect du droit à la vie privée sur internet oppose Google, premier moteur de recherche mondial, à l’Espagne devant la justice européenne.
L’affaire qui se plaide depuis mardi à Luxembourg devant la Cour de justice de l’Union européenne, plus haute instance judiciaire de l’UE, est relative au cas d’un citoyen espagnol qui demande à Google d’effacer des informations le concernant sur le web, ce que la société américaine refuse.
C’est en faisant une recherche sur son nom dans Google que cette personne y a découvert une information de presse vieille de plusieurs années relatant la mise en vente aux enchères d’un bien lui appartenant en raison du non paiement de ses cotisations à la Sécurité sociale.
En Espagne, une juridiction supérieure, l’Audiencia Nacional, a jugé que Google devait effacer cette information des résultats de recherche effectués à partir du nom du plaignant. Google ayant décidé de contester cette décision, l’Agence espagnole de protection des données a porté l’affaire devant la Cour de justice de l’UE en mars 2012.
Sur un blog mardi, Google estime qu’il y a “des raisons sociétales évidentes pour lesquelles ce genre d’information devrait être disponible pour le public”.
L’annonce de la mise aux enchères d’un bien était “nécessaire dans le cadre du droit espagnol et contient des informations correctes d’un point de vue factuel, qui sont toujours disponibles sur le site web du journal”, fait valoir William Echikson, responsable chez Google de la liberté d’expression pour l’Europe, l’Afrique et le Proche-Orient.
Les partisans du moteur de recherche font valoir que si l’obligation d’effacer ce genre d’information devait être retenue, cela créerait un précédent ouvrant la porte au retrait de toute une série d’informations pour des raisons spécieuses.
CONTRÔLEUR OU RÉCEPTACLE ?
La Cour de justice va essayer de déterminer si Google peut être considéré comme le “contrôleur” de ce genre d’information, et donc responsable en dernière instance de la publication des contenus, ou simplement un réceptacle de ce type d’information.
Les magistrats de la Cour devront en outre dire si un moteur de recherche basé en Californie peut être soumis aux lois européennes sur la vie privée.
Les avocats de Google argueront que l’entreprise n’a pas vocation à faire disparaître des contenus qu’elle n’a pas créés. Les autorités espagnoles estiment que Google doit effacer les informations de son index dès lors qu’elles mettent en jeu le respect de la vie privée.
Ce procès intervient alors que le Parlement européen débat d’un texte proposé par la Commission européenne sur “le droit à l’oubli”, c’est-à-dire le droit à l’effacement de ses données personnelles.
Les spécialistes de l’internet soulignent que la liberté d’expression pourrait pâtir d’un tel principe s’il venait à être inscrit dans le droit européen.
Selon l’Agence espagnole de protection des données, près de 200 décisions de justice rendues dans des affaires de ce genre ont été portées devant l’Audiencia National.
La Cour de justice de l’UE ne devrait pas rendre sa décision avant plusieurs mois.
Avec Clare Kane à Madrid, Danielle Rouquié pour le service français, édité par Gilles Trequesser