Est-ce que l’apocalypse nucléaire va démarrer par de simples posts agressifs sur le réseau social X ? Après un message menaçant publié par l’ancien président russe Dmitri Medvedev, Donald Trump a réagi de façon sanguine en annonçant le déploiement de deux sous-marins nucléaires à proximité de la Russie. L’ex-président russe mettait en avant la dangerosité d’une « main morte » que la Russie possède toujours. Cette expression faisait indirectement allusion à un système de riposte nucléaire semi-automatisé datant de l’époque soviétique. Il pouvait être activé en cas de destruction des organes de pouvoir russes par une frappe préliminaire.
De son côté, habitué à agiter régulièrement la menace nucléaire depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, le Kremlin vient de remettre habilement une pièce dans la machine à tension en expliquant « que tout le monde doit faire preuve d’une grande prudence dans ses déclarations sur le nucléaire », tout en minimisant les propos de l’ex-président russe. Le porteporte-parole du Kremlin a également précisé que le pays a conscience qu’il y a de toute façon déjà des sous-marinssous-marins lanceurslanceurs d’engins nucléaires (SNLE) américains « en service » en permanence. Une façon de faire retomber la pressionpression.
Il y a effectivement quatre ou cinq SNLE en mer continuellement opérationnels capable de lancer leurs missilesmissiles nucléaires à n’importe quel moment, sur ordre. Ils peuvent de toute façon atteindre la Russie même s’ils sont situés à des milliers de kilomètres. Il en est d’ailleurs de même pour les SNLE français chargés de missiles nucléaires M-51. Autant dire qu’il ne s’agit que de gesticulations et que les stratégies nucléaires n’ont pas changé.
Pour ce qui est de cette fameuse « main morte » issue de la guerre froide, ce système de riposte pseudo-automatique date des années 1980. Son objectif principal était d’assurer qu’une attaque nucléaire massive contre l’URSS ne pouvait pas empêcher une riposte, tout aussi nucléaire, même si toute la chaîne de commandement soviétique était anéantie. L’image de la « main morte » est évocatrice. On imagine que le feufeu nucléaire pourrait être activé par une main de zombie.
Tout comme le système Perimeter soviétique, les États-Unis avaient un procédé permettant d’envoyer un ordre de tir de frappes nucléaires par des missiles de communication appelés ERCS. Rien n’était automatique et ce n’est toujours pas le cas pour la Russie. © US Air Force
Les zombis de la riposte nucléaire
Ce côté anxiogène est renforcé par de nombreux médias qui évoquent un procédé « automatisé » sans intervention humaine. Or, c’est loin d’être le cas. Le système technique autrement appelé Perimeter repose sur plusieurs couches de sécurité. Il est toujours censé exister et ne serait activable qu’en cas de crise grave, sur ordre d’un haut responsable.
Le procédé surveille à la fois un réseau de capteurscapteurs sismiques, de pression atmosphériquepression atmosphérique, de radioactivitéradioactivité. Ces éléments lui permettent de détecter une explosion nucléaire. Mais ce n’est pas pour autant que la riposte de la foudrefoudre nucléaire partirait automatiquement. Perimeter doit contrôler la perte effective de communication avec le commandement central. Si effectivement ces conditions sont réunies, la décision d’ordre de riposte est confiée à un des officiers placés dans un bunker sécurisé. À leur niveau, leur mission est de lancer des missiles de communications. Ce sont eux qui permettent de transmettre les ordres de tirs à l’ensemble des forces nucléaires restantes.
En bref, le système n’est jamais totalement autonome. Reste à savoir si les Russes comptent toujours sur ce procédé basé sur des missiles de communication ou s’ils ont modernisé ce système aujourd’hui désuet.
Il faut savoir que durant la Guerre froide, les États-Unis disposaient également d’un procédé équivalent, avec des missiles de communication donneurs d’ordre de tir. Il s’agissait des Emergency Rocket Communications System (ERCS). Il n’a pas perduré en raison de la robustesse et de la redondance des systèmes de communication modernes. Les satellites, les réseaux de fibre optique ou par onde offrent des capacités bien supérieures aujourd’hui.
De son côté, la France ne possède pas de système équivalent à la « main morte ». Il faut dire que le pays n’a plus de silos à missiles intercontinentaux (ICBM) sur le territoire. La dissuasion et une éventuelle riposte seraient menées par les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) et au maintien en alerte d’une force aéroportée. L’ensemble reste strictement sous contrôle humain et exclusivement à la décision du président de la République. Il existe bien des dispositifs de dernier recours pour transmettre l’ordre de tir, mais aucun mécanisme dénué de validation humaine directe.