Cet événement a eu lieu en octobre 2023, mais au cas où vous seriez passé à côté, nous trouvions intéressant de vous en reparler. Les équipes du Lawrence Berkeley National Laboratory et de l’Université de Californie à Berkeley ont dévoilé une méthode de refroidissement inédite. Cette technologie répond aux enjeux environnementaux urgents liés aux hydrofluorocarbures et autres gaz réfrigérants néfastes. Elle exploite des principes physiques différents des cycles de compression actuels.
Le principe physique du refroidissement ionocalorique
Les changements de phase des matériaux libèrent ou absorbent de l’énergie thermique. Lorsqu’un bloc de glace fond, il capte la chaleur ambiante et refroidit son environnement. C’est un phénomène naturel que chacun observe sans forcément en saisir les implications.
L’ajout d’ions, ces particules chargées électriquement, modifie le point de fusion d’une substance sans élever sa température. Le sel déversé sur les routes en hiver empêche la formation de glace selon ce mécanisme. Les chercheurs ont transposé ce principe à l’échelle d’un système de refroidissement fonctionnel.
Un courant électrique déplace les ions dans le dispositif, provoquant ainsi une variation du point de fusion du matériau. Cette manipulation permet d’obtenir des changements de température significatifs. L’expérimentation menée par l’équipe californienne a utilisé un sel composé d’iode et de sodium pour faire fondre du carbonate d’éthylène, un solvant organique présent dans les batteries lithium-ion.
L’application d’une charge inférieure à un volt a généré une variation thermique de 25 degrés Celsius. Ce résultat surpasse les performances d’autres technologies caloriques testées jusqu’à présent. Drew Lilley, ingénieur en mécanique, souligne : « Personne n’a développé une solution alternative qui refroidit efficacement, fonctionne de manière sûre et respecte l’environnement. Le cycle ionocalorique pourrait répondre à tous ces critères ».
Des chercheurs ont mis au point une nouvelle méthode de réfrigération qui remplacerait les fluides frigorigènes, lesquels contribuent actuellement au réchauffement climatique. © YinYang, iStock
Les avantages environnementaux face aux systèmes conventionnels
Les installations de réfrigération traditionnelles transportent la chaleur via un fluide qui s’évapore en gaz puis se condense en liquide. Ces circuits fermés utilisent fréquemment des hydrofluorocarbures dont le potentiel de réchauffement global atteint des niveaux préoccupants.
L’amendement de Kigali impose aux pays signataires une diminution d’au moins 80 % de la production et consommation d’hydrofluorocarbures d’ici 2048. Cette transition nécessite des alternatives viables et commercialisables rapidement.
Le carbonate d’éthylène employé dans les prototypes présente un atout supplémentaire : sa fabrication utilise du dioxyde de carbone comme matière première. Cette caractéristique confère au système un potentiel de réchauffement global non seulement nul, mais potentiellement négatif.
Ravi Prasher, également ingénieur au laboratoire de Berkeley, précise les trois paramètres à équilibrer :
- Le potentiel de réchauffement global des fluides frigorigènes.
- L’efficacité énergétique du processus.
- Le coût des équipements nécessaires.
Les données préliminaires montrent des résultats prometteurs sur ces trois aspects simultanément, ce qui représente une première dans le domaine. Les travaux ont été publiés dans la revue Science.
Les perspectives d’industrialisation et d’amélioration
La modélisation théorique prouve que cette technologie peut rivaliser avec l’efficacité des systèmes actuels, voire la dépasser. Le défi consiste désormais à transférer ces prototypes de laboratoire vers des applications commerciales à grande échelle.
Les chercheurs testent différentes combinaisons salines pour identifier les plus performantes. En 2025, une équipe internationale a publié ses travaux dans Science, sur une version hautement efficace utilisant des sels à base de nitrates, recyclés grâce à des champs électriques et des membranes spécifiques.
Ces développements correspondent exactement aux anticipations de Prasher : « Nous disposons d’un cycle thermodynamique totalement nouveau qui associe des éléments de divers domaines. Maintenant, place à l’expérimentation pour tester diverses associations de matériaux et surmonter les défis techniques ».
Cette méthode pourrait s’appliquer non seulement au refroidissement mais également au chauffage, élargissant son champ d’application et son impact environnemental.