Réseaux sociaux interdits en Australie : l’argument « protection » tient-il face aux données scientifiques ?

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Aujourd’hui, le 10 décembre 2025, est un jour historique. C’est le début de l’interdiction des réseaux sociaux pour tous les enfants de moins de 16 ans. A priori, il s’agit d’une avancée majeure pour protéger les plus jeunes des algorithmes des réseaux sociaux qui poussent des contenus inappropriés et encouragent le doomscrolling.

De nombreux pays comptent bien suivre l’exemple de l’Australie, avec quelques variations comme l’âge de l’interdiction et la possibilité pour les parents d’autoriser leurs enfants à accéder à ces sites plus jeunes, et certains pays ont déjà quelques règles en place. Cela inclut plusieurs pays européens (France, Espagne, Norvège, Danemark), et même le Parlement Européen a appelé à une telle législation. D’autres pays qui comptent prendre des mesures incluent la Nouvelle-Zélande, la Malaisie, l’Inde et le Pakistan.

L’Australie s’attire les foudres de l’administration américaine

L’interdiction cible spécifiquement 10 réseaux sociaux : Kick, Threads, Facebook, Snapchat, Instagram, TikTok, X (ex-Twitter), Reddit, Twitch et YouTube. À part Kick et TikTok, ces sites sont tous américains. Les patrons, en véritables oligarques, ont appelé le président des États-Unis à réprimander l’Australie qui ciblerait de manière injuste les entreprises américaines et Donald Trump a déjà déclaré qu’il tiendrait tête aux pays qui s’attaqueraient aux entreprises technologiques américaines. Bref, sans surprise, aux États-Unis la sacro-sainte liberté de parole est utilisée pour justifier la protection des intérêts des milliardaires face aux bien-être des enfants.

Pourtant, les chiffres sont clairs. À partir de 2010, la santé mentale des enfants, notamment des adolescentes, a décliné. Selon une étude publiée dans The Australian Economic Review, en Australie, en comparant les périodes 2007 à 2010 et 2019 à 2022, le taux de troubles psychiques chez les jeunes a augmenté de 50 %, les hospitalisations pour automutilation de 35 % et le taux de suicide de 34 %. À l’échelle mondiale, les symptômes dépressifs sont passés de 24 % sur la période 2001 à 2010, à 37 % de 2011 à 2020, selon une étude dans le British Journal of Clinical Psychology. Le lien avec les réseaux sociaux, dont la popularité a explosé autour de 2010, semble évident. Et pourtant…

Une base scientifique insuffisante

En 2024, une méta-analyse de 143 études, publiée par des chercheurs de l’université de Cambridge, a trouvé une corrélation entre l’usage des réseaux sociaux chez les adolescents et des symptômes de troubles « d’intériorisation » (dépression, anxiété, etc.). Toutefois, si cette corrélation est significative, elle n’est que de 0,08 à 0,12, ce qui est extrêmement faible (0 étant l’absence de corrélation, et 1 une corrélation parfaite). De plus, une corrélation ne signifie pas un lien de cause à effet. Et c’est bien là le problème : ces interdictions ne se basent sur pas sur des faits scientifiques solides.

Certains spécialistes pensent même que les réseaux sociaux ne seraient pas la cause de l’augmentation des troubles psychiques, mais que ceux qui présentent déjà des symptômes utilisent ces sites différemment. Cela ne veut pas dire que la législation australienne n’aura aucun effet positif sur la santé mentale des jeunes. Au contraire, elle permettra aux scientifiques d’en étudier l’évolution et de voir si cette approche a un sens. Toutefois, l’absence de preuves scientifiques suggère que l’impact pourrait être très limité.

Le risque est que les autorités considèrent cette législation comme une solution miracle et ne mettent en place aucune autre mesure pour lutter contre la dégradation de la santé mentale des jeunes. Les autres causes possibles sont nombreuses, comme la situation économique, l’anxiété climatique (ou éco-anxiété), ou encore la « politico-anxiété ». Il faudra certainement des années avant de pouvoir mesurer le véritable impact de cette mesure en Australie.

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