Tout ce qui provient de Corée du Nord suscite la curiosité, tant le pays est fermé au monde extérieur. Alors, lorsque la BBC est parvenue à mettre la main sur un smartphone sorti clandestinement du pays, cela attire l’attention. L’analyse de son fonctionnement est effrayante, révélant l’emprise de l’État autoritaire sur sa population. Pyongyang ne se contente pas de contrôler les conversations des habitants dans la rue, il le fait aussi dans leur poche via les smartphones. Le contrôle s’exerce même sur la rédaction des messages et tout ce que l’on peut faire avec un mobile.
Ainsi, dans la vidéo publiée par la BBC, la journaliste montre que si l’on saisit « Corée du Sud », le téléphone reformule immédiatement le nom en « État fantoche ». Taper le terme affectueux d’« oppa » qui provient de Corée du Sud, le transforme en « camarade ». Le correcteur automatique est impossible à désactiver ou à modifier. La censure est d’autant plus dissuasive que l’appareil prend des captures d’écran toutes les cinq minutes ! Les fichiers sont cachés à l’utilisateur et transmis automatiquement aux autorités. Cette surveillance de massemasse a de quoi faire disparaître toute velléité de s’écarter de la ligne de conduite promue par l’État. Autant dire qu’avec ce traitement, il n’y a même plus besoin de s’évertuer à bloquer les contenus provenant de l’extérieur du pays. Par peur de représailles, les utilisateurs des smartphones se tiennent à carreau.
La BBC a eu accès à un téléphone nord-coréen qui a été sorti clandestinement du pays. Le téléphone n’a pas accès à Internet et est conçu pour garantir que ses utilisateurs respectent les règles en vigueur en Corée du Nord. © BBC
Deux marques, sinon rien
En ce qui concerne le téléphone, il n’y a pas beaucoup de choix et on ne trouvera pas de modèles estampillés Samsung en Corée du Nord. Il n’y a guère que deux marques. Celui que montre la journaliste de la BBC semble être un modèle dit « haut de gamme » de la marque Arirang, prétendument fabriqué en Corée du Nord. Pour ressembler à un SamsungSamsung premium, cet Arirang 221 est doté d’un écran Amoled aux bords incurvés. Il est peu probable que les usines de Pyongyang produisent ce type de téléphone. Ils proviennent certainement du voisin chinois. Paradoxalement, l’Arirang 221 est animé par une ancienne version d’AndroidAndroid de GoogleGoogle, c’est-à-dire un OS conçu par l’ennemi absolu du pays, les États-Unis. L’autre marque de smartphone porteporte tout simplement le nom de Pyongyang.
Big brother regarde sur votre épaule. © SB, Grok
Dans tous les cas, les Coréens du Nord passent par le seul opérateur disponible : Koryolink. Il permet d’appeler d’autres numéros locaux et d’accéder à l’intranet du pays. Il ne s’agit donc pas d’internet, puisque le pays est coupé du reste du monde. Le Wi-Fi n’est pas disponible avec ce téléphone. Un autre réseau est actif pour les besoins des étrangers de passage. Ils peuvent accéder à Internet et passer des appels internationaux, mais pas locaux. Bref, les deux universunivers ne peuvent pas communiquer entre eux.
En raison de cette surveillance numérique permanente, le reportage de la BBC révèle que les Coréens du Nord qui parviennent à s’enfuir du pays s’imaginent que ce système de surveillance existe partout ailleurs. Ils restent étonnés de constater que ce n’est pas le cas. Du moins pas vraiment, puisque ce sont plutôt les Gafam qui font tout pour collecter des données privées, mais pas pour les mêmes raisons.