Annoncé pour la première fois en 2017, Neom est un projet pharaonique de construction en plein désert d’Arabie saoudite. Il s’inscrit dans le plan Saudi Vision 2030 pour diversifier l’économie du royaume. L’un des composants du projet, dévoilé en 2021, s’appelle The Line. Il s’agit d’une gigantesque ville linéaire de 170 kilomètres de long, censée abriter à terme jusqu’à 9 millions de personnes.
L’idée est démentielle : une ville de seulement 200 mètres de largeur, construite entre deux parois réfléchissantes hautes de 500 mètres. Une véritable ligne urbaine traversant le désert.
Pour mieux en mesurer l’ampleur, cela équivaudrait à un chantier s’étendant du centre de Paris jusqu’au Havre ou au Mans. Le calendrier initial était très ambitieux. Les premiers habitants devaient emménager cette année, et les 16 premiers kilomètres de la ville devaient être terminés en 2030. Alors où en est la construction ? Le Financial Times a publié un rapport sur l’avancement du projet.
La ville The Line imaginée de l’intérieur. © Neom
Des coûts exorbitants et des objectifs réduits
Les travaux ont commencé il y a trois ans. Le budget était initialement estimé à 1 600 milliards de dollars fin 2021, puis révisé à 4 500 milliards de dollars au printemps suivant.
Aujourd’hui, il a déjà dépassé 50 000 milliards. Au lieu de 16 kilomètres, soit 20 modules, la première partie du projet a été révisée à la baisse. D’abord réduite à sept modules, suffisamment pour abriter 300 000 à 500 000 habitants, la première phase de construction est désormais limitée à seulement trois modules. Et ce n’est pas sans conséquences. « Lorsque le nombre est passé sous la barre des sept, il est devenu de plus en plus difficile de le vendre comme un investissement, a déclaré un directeur de construction. C’est pourquoi je pense que le projet est mort… il n’est tout simplement pas investissable. »
Pour autant, le chantier est bel et bien visible depuis l’espace. Les fondations pour les premiers modules de la ville apparaissent sur des images satellitaires, ainsi que les travaux pour créer une ligne de chemin de fer partant de l’aéroport de Neom Bay, et s’étendant sur 150 kilomètres jusqu’à The Line. Toutefois, les travaux sur la voie ferrée sont à l’arrêt.
« Hidden Marina », le tronçon de The Line prévu avec un port de plaisance. © Neom
Le lourd tribut humain du chantier Neom
Et le coût humain est déjà important. Le village de Qayal a été rasé pour ce projet et les 15 membres de la tribu Howeitat qui ont protesté sont en prison, avec des peines allant jusqu’à 50 ans. Mais ce n’est que le début. Fin 2024, un documentaire de la chaîne britannique ITV a révélé que plus de 21 000 travailleurs étrangers avaient déjà perdu la vie sur le chantier. Sur le terrain, certains travailleurs ont révélé qu’ils sont traités comme des mendiants et contraints de travailler jusqu’à 16 heures par jour, et plus de 100 000 personnes ont « disparu ».
Malgré tout, la construction de The Line est-elle au point mort ? Trois des modules sont toujours prévus, qui doivent constituer un tronçon appelé Hidden Marina. Celui-ci s’articule autour d’un port de plaisance. Mais cela ne représente qu’une partie infime du projet. Même s’ils sont achevés, qui voudrait habiter un îlot en plein milieu du désert ? Mais même cette petite partie du chantier semble compromise. Selon « une personne proche du projet », les travaux seraient à l’arrêt. Tous les efforts seraient concentrés sur la construction de petits bâtiments autour de la marina. Il semble donc assez peu probable que The Line sorte un jour de terre…