par Edward Taylor et Jan Schwartz
FRANCFORT (Reuters) – Des constructeurs automobiles allemands envisagent d’équiper les voitures autonomes de “boîtes noires”, une idée qui aura peut-être du mal à faire son chemin dans un pays où le principe de la surveillance passe mal mais qui pourrait peut-être aussi donner un coup de fouet à ce nouveau mode de conduite.
Dans le sillage de la Google Car de Google, Mercedes-Benz et BMW figurent parmi les constructeurs qui ont conçu des voitures autonomes ou semi-autonomes, tout comme Renault-Nissan ou Volvo.
Si certaines fonctions, comme le créneau assisté, sont déjà disponibles, des questions légales entravent le lancement de technologies d’aide à la conduite plus poussées, notamment celles qui permettent à la voiture de rouler toute seule.
Installer une boîte noire à l’exemple de celles que l’on trouve dans les avions pourrait aider les constructeurs et les assureurs à y voir plus clair en matière de responsabilité lorsque, par exemple, une voiture autonome est impliquée dans un accident.
En Allemagne, la question fait l’objet d’un débat au sein d’un panel – “la table ronde sur la conduite autonome” – parrainé par le gouvernement.
Le groupe de travail, créé en novembre et qui a pour objet de veiller à la prééminence allemande dans la construction automobile, regroupe des constructeurs, des avocats, des assureurs et des groupes de défense des libertés individuelles. Ces derniers doivent repérer les failles éventuelles de la législation et du savoir-faire allemands.
“L’implantation éventuelle de boîtes noires dans les voitures est l’un des thèmes discutés”, a dit à Reuters une personne au fait des débats.
La responsabilité en cas d’accident est un autre thème de premier plan abordé au sein de cette commission. Le droit allemand ne fait pas de distinction, dans le cas d’un accident, entre une voiture semi-autonome et une voiture complètement autonome, même s’il existe entre les deux une différence technologique énorme, et n’établit pas de hiérarchie non plus pour l’implication du conducteur.
Pour déterminer si un véhicule, son conducteur, ou une tierce partie est le principal responsable d’un accident, les assureurs et les constructeurs veulent rassembler le plus possible de données. Ces dernières pourraient également servir à la rédaction de nouvelles polices d’assurance, “personnalisées en fonction d’un certain profil de risque”, a dit Martin Stadler, expert en assurance automobile chez Allianz.
DERNIER MOT
Mais quant à savoir qui recueillera ces données et de quelle manière, voilà qui crée la controverse dans un pays qui nourrit un passé douloureux en matière de surveillance policière, avec les heures sombres de la période nazie ou de la Stasi dans l’ex-RDA, sans compter les révélations issues de l’affaire Snowden.
Des données très précises pourraient en outre susciter la convoitise des annonceurs et des publicitaires mais les constructeurs allemands veulent restreindre leur usage, ce qui n’arrange pas les affaires des sociétés de télécoms ou de logiciels qui tentent de faire une percée dans l’industrie automobiles.
“Nous convenons que les données personnelles sont la propriété du client et que nous ne pouvons légitimement en faire ce que nous voulons”, avait dit en mai Thomas Weber, responsable du développement de Mercedes-Benz, lors d’une conférence sur l’innovation. Une petite phrase qui, selon certains observateurs, était une pique à l’adresse de Google.
La fédération professionnelle VDA poursuit des discussions pour savoir s’il est possible de parvenir à une position commune sur la manière de traiter ces données, avait ajouté Weber.
La “table ronde” espère que ses prises de position sur cette matière comme sur d’autres serviront de référence en vue d’une “position européenne” que d’autres constructeurs pourraient adapter.
De fait, le panel, qui a déjà présenté ses vues aux Nations Unies et à l’Union européenne, semble gagner du terrain.
“En définitive, la personne à la source des données, c’est-à-dire le conducteur, doit avoir le dernier mot sur leur usage”, indique Stadler d’Allianz.
(Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Gilles Guillaume)