Une horloge capable de changer la guerre sous-marine : mais comment est-ce possible ?

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Drones, IA et machines de guerre robotisées. Le futur, c’est déjà aujourd’hui sur les champs de bataille que ce soit sur terre, dans l’air, sur et sous l’eau. Les prototypes de drones sous-marins se multiplient ces dernières années. Un drone sous-marin, c’est plutôt pratique. Débarrassé d’équipage humain, donc d’un espace de vie pour l’accueillir, le submersible perd en taille et gagne en sophistication.

Au lieu d’avoir un engin gigantesque et onéreux, on obtient pour le même type de mission, un mini sous-marin optimisant au maximum son espace intérieur avec des capteurs et des modules de charge utile adaptés à chaque type d’opération. Utiliser des drones submersibles permet également d’exclure les gros sous-marins des opérations de routine pour les consacrer à ce qui est plus important.

C’est notamment l’idée du projet de démonstrateur XV Excalibur, développé par MSubs pour la Royal Navy. Long de 12 mètres, large de 2 mètres et d’une masse de 19 tonnes, le submersible non habité est en phase de test pour une durée de deux ans. Cet été, il a été piloté à une distance de 16 000 kilomètres depuis l’Australie. L’avantage d’un tel drone, c’est qu’il peut rester sous l’eau durant toute sa mission. S’il était équipé d’une propulsion nucléaire, il pourrait même rester sous l’eau jusqu’à sa mise à la retraite.

Sous l’eau, pas de GPS

Le hic, c’est que passer une longue période sous l’eau entraîne un problème de taille : celui de l’imprécision de la navigation. Sous l’eau, un navire ne peut pas compter sur le signal GPS, ni sur d’autres outils de navigation utilisés en surface. Les sous-marins exploitent donc des systèmes de navigation inertielles, à base de gyroscopes. Ils mesurent la direction et l’amplitude de toute variation de cap ou de vitesse du sous-marin.

Mais pour obtenir la position du sous-marin à tout moment, il faut une horloge précise pour compter le temps de chaque manœuvre. Pour cela, depuis des décennies, les sous-marins – notamment à propulsion nucléaire – sont équipés d’une horloge atomique. Leur « tic-tac » se fait exactement 9 192 631 770 fois par seconde. Une précision qui assure un décalage de seulement une seconde sur 300 millions d’années.

Vidéo de présentation de l’horloge quantique Tiqker d’Infleqtion. Ce modèle embarqué n’exclut pas l’horloge atomique, il en représente une évolution technologique, qui améliore la précision. © Infleqtion

Une seconde de décalage en 30 milliards d’années

L’horloge atomique compte les crépitements constants et prévisibles des atomes de césium 133. Ils sont mesurés à l’aide de micro-ondes. Mais pour les sous-marins nucléaires qui peuvent rester des mois sous l’eau, ce n’est visiblement pas suffisant pour assurer une navigation précise. Au fil du temps, un phénomène appelé « accumulation de dérive » se produit.

Pour compenser les minuscules erreurs du gyroscope, les Britanniques misent sur une nouveauté, l’horloge quantique. Le nom exact de la technologie employée est « système de positionnement et de synchronisation quantiques » (PNT). Là encore, la base est une horloge atomique optique. Il s’agit de la Tiqker d’Infleqtion.

Au lieu de cristaux de quartz, cette horloge quantique utilise un seul atome de rubidium-87 qui vibre à une fréquence 10 000 fois supérieure à celle des horloges à micro-ondes classiques. Avec ce procédé, l’horloge quantique ne perdra qu’une seconde tous les 30 milliards d’années. Pour la navigation, cela correspond à une dérive d’à peine 1 x 10⁻⁶ degrés par heure.

Cette horloge quantique a aussi l’avantage d’être compacte. Elle ne pèse que 30 kilos et loge dans un volume de 30 litres. Les essais en mer menés jusqu’à présent ont démontré sa bonne intégration au système du bateau et la précision de ses calculs de navigation.

Durant les deux années d’essais, les données recueillies seront partagées avec les États-Unis et l’Australie dans le cadre du fameux traité Aukus. La France qui avait été refroidie par le camouflet de l’Australie par rapport à l’annulation de la commande de sous-marins nucléaires compte aussi sur ce type d’horloge. En janvier de cette année, l’ex-ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait mis en avant les atouts des technologies quantiques. Il avait alors déclaré que « les centrales inertielles quantiques [seraient] dans nos sous-marins et nos Rafales » et dans les satellites.

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